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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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teint, ridaient les paupières, épaississaient la peau.
     
    Blaise admirait, en fumant sa pipe, le soleil glissant comme une pièce d’or dans une tirelire, derrière les monts, du côté de Genève, quand deux hommes l’assaillirent brutalement. L’un, d’une force prodigieuse, le ceintura par-derrière ; l’autre, se présentant de face, lui mit un poignard sur la gorge et fixa ses yeux.
     
    –  It’s him 10 , dit-il à son compagnon.
     
    Une fois de plus, Blaise maudit son regard vairon, qui le faisait partout reconnaître, et comprit qu’il n’avait pas affaire à des détrousseurs ordinaires. Sans opposer de résistance, il feignit l’incompréhension absolue.
     
    – Si c’est ma bourse que vous voulez, je vous préviens, elle est plate, dit-il posément.
     
    – Ne faites pas la bête, colonel, nous voulons les papiers que vous avez volés aux capucins d’Altdorf. Vous avez profané leur sanctuaire, ce qui n’est pas bien. Ils nous ont chargés de reprendre ce qui leur appartient.
     
    En français, l’Anglais s’exprimait sans accent. Blaise pensa qu’il devait être un agent important.
     
    – Si les bons capucins, à la solde du roi d’Angleterre comme vous, tiennent à reprendre ces papiers, témoins accablants de la traîtrise de votre gouvernement, vous devrez aller les chercher à Paris, chez le Premier consul. Je ne pense pas qu’il refusera de vous les restituer…, surtout si vous les lui demandez aussi gracieusement que vous traitez, en territoire helvétique, un de ses officiers !
     
    Le gaillard qui ceinturait Blaise, et dont ce dernier sentait le souffle sur la nuque, resserra son étreinte, tandis que l’homme au poignard faisait sauter de la pointe de sa lame les boutons du gilet de l’officier. L’agresseur commençait à explorer les poches intérieures du vêtement quand Blaise perçut un bruit, pareil à celui du bois mort qu’on fend, puis un grognement étouffé. Soudain libéré de l’enlacement qui le paralysait, il retrouva l’usage de ses membres et saisit l’homme au poignard à la gorge, en même temps qu’il lui jetait son genou dans le bas-ventre. L’autre eut le temps de planter sa lame dans l’épaule de l’officier, que la douleur obligea à lâcher prise. L’Anglais relevait le bras pour frapper une seconde fois quand Blaise le vit s’effondrer en râlant.
     
    – Tudieu, vous m’avez tourné les sangs, colonel ! Ces deux coquins ne voleront plus rien à personne, dit Trévotte, dont le souffle court révélait l’émotion.
     
    Sous sa chemise, Blaise tâta son épaule blessée et retira une main poisseuse de sang. Il remit à plus tard un examen sérieux de la plaie et se pencha sur ses agresseurs, qui gisaient, l’un et l’autre sans vie.
     
    – Je crois que tu y es allé un peu fort, Titus, constata-t-il en poussant du pied la hache que Trévotte avait laissée tomber.
     
    – J’ai pas mesuré ma force, colonel ; avec ma patte de bois, j’étais pas bien sûr de tenir debout longtemps. Alors, j’ai cogné dur du premier coup. Mais vous croyez qu’y sont occis tous les deux ?
     
    – Aussi morts qu’on peut l’être quand on a la tête ouverte de la nuque au nez, Titus ! Mais nous sommes de nouveau en guerre contre les Anglais, n’est-ce pas ?
     
    – Ah ! parce que c’est des Anglais ! En tout cas, ils sont arrivés en barque. Je les ai vus monter sur le ponton. J’étais à casser du bois pour la cuisinière, faut bien rendre service, quand ces deux qui avaient une dégaine de pas d’ici sont venus demander à la fille de l’auberge, qui étendait du linge, si elle avait pas vu un homme grand, fort et frisé noir, qu’avait l’œil vairon. J’ai compris que c’est vous qu’ils cherchaient. Moi, j’aurais rien dit avant de savoir ce qu’on voulait, mais cette fille a dit : « Celui que vous cherchez, c’est peut-être le monsieur qui est en promenade au bord du lac. » Alors, je les ai suivis et j’ai entendu qu’entre eux ils parlaient pas français. Sans faire attention, j’avais pas lâché ma hache. Quand ils vous ont sauté dessus, j’ai compris que c’était des coquins… et j’ai fait ce que j’ai cru qu’y fallait faire. Voilà ! C’est peut-être malheureux qu’y soient morts, colonel. Qu’est-ce qu’on va dire ? Qu’est-ce qu’on va faire ?
     
    – Personne ne dira rien, car je crois que personne n’a rien vu. Et ne te tourmente pas, ce sont deux espions

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