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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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résolu, mais la pâleur de l’officier l’inquiéta.
     
    – Sûr que ce bout de ferraille vous est resté dans le corps, colonel. Faut un chirurgien pour arranger ça !
     
    – C’est mon avis ! Tu vas aller à onze heures sur la terrasse de la cathédrale. Tu verras M me  Métaz, tu lui diras qu’elle m’envoie d’urgence un chirurgien… qui ne soit pas trop curieux. Va !
     
    L’amie était au rendez-vous. Elle portait une robe rose à décolleté carré et une fine écharpe de mousseline, nouée sous le menton, rabattait contre ses joues les ailes souples d’un chapeau de paille. Elle sursauta à la vue de Titus, qui ne perdit pas de temps à enrober la mauvaise nouvelle dans de vaines circonlocutions.
     
    Charlotte, Titus le reconnut, se comporta avec calme et détermination. Elle accompagna l’ordonnance chez un chirurgien qui avait la confiance de M lle  Rudmeyer et envoya le praticien, avec Trévotte, au chevet de Blaise. Puis elle décida de retourner chez sa tante, pour faire atteler son cabriolet, afin de se rendre elle-même à Ouchy. En descendant de la cathédrale vers la rue de Bourg, elle eut le temps d’inventer une fable pour endormir la méfiance de Mathilde.
     
    – Une dame que j’ai connue à Paris est actuellement souffrante à Ouchy. Elle n’a ni parents ni amis à Lausanne et c’est par son domestique, rencontré par hasard chez l’apothicaire, que j’ai su la chose. Je me dois d’aller la visiter pour lui proposer de l’aide, n’est-ce pas ? Aussi, ne m’attendez pas pour le repas. Suivant l’état de santé de cette amie, j’agirai. Ne vous inquiétez pas.
     
    – C’est ton devoir, en effet… Si cette dame est seule et malade, peut-être serait-elle mieux chez nous ? Veux-tu que je fasse dire au docteur Scholl d’aller la voir ?
     
    – Je dois d’abord me rendre compte par moi-même, chère tante, dit Charlotte en s’esquivant.
     
    À l’hôtel de l’Ancre, l’aubergiste tenta de faire patienter Charlotte, en expliquant que le médecin venait de réclamer des linges et de l’eau chaude et qu’il devait être en train d’opérer « le monsieur blessé hier soir en tombant sur un fer ».
     
    – Conduisez-moi à la chambre de ce monsieur. Je sais soigner les blessés et je puis être utile, dit sèchement M me  Métaz.
     
    L’opération était terminée et Blaise reposait sur son oreiller. Sa toison frisée, ses favoris et sa moustache paraissaient encore plus noirs, par contraste avec la pâleur de son visage. Il sourit à Charlotte et lui tendit la main.
     
    – Voici ce que j’ai retiré, non sans mal, de l’épaule de ce monsieur. Ce bout de ferraille avait traversé le deltoïde et s’était fiché entre la clavicule et l’omoplate, dit le médecin, mettant sans façon dans la main gantée de Charlotte un petit morceau de fer plat, pointu, long d’un demi-pouce.
     
    – Mon Dieu ! s’exclama-t-elle en regardant le fragment de métal et son gant taché du sang de Blaise.
     
    – Ce gentilhomme a eu de la chance, à trois doigts près, ce bout de fer lui entrait dans le cœur et c’en était fini. Dans deux jours, il n’y paraîtra plus. Mettez ce baume sur la plaie et veillez à ce qu’elle ne suinte pas, conclut le praticien en tendant un flacon à Charlotte.
     
    – Nous comptons sur votre discrétion, dit Fontsalte.
     
    – Je ne vous ai posé aucune question, j’ignore votre nom. Je vous ai soigné pour une blessure à l’épaule consécutive à une chute de cheval et… je n’ai jamais rencontré Madame, une étrangère dont je ne parle pas la langue ! N’est-ce pas ainsi que les choses se sont passées ? dit le médecin avec un sourire entendu.
     
    Blaise apprécia l’improvisation du praticien, largement honoré. Quand Trévotte se fut éclipsé, Charlotte ôta son chapeau et s’assit sur le bord du lit. Elle surprit Blaise par la tendre intensité de son regard, un regard bleu, embrasé par une foi païenne, où se lisaient ravissement et inquiétude, un regard qui inventoriait le visage de l’amant, parcourait ses traits, cherchait les stigmates de la longue absence. Il y avait un flot d’amour dans ces yeux-là. Blaise en fut submergé. De son bras valide, il attira Charlotte contre lui et l’embrassa longuement.
     
    – Je vous retrouve enfin, murmura-t-elle entre deux baisers.
     

    Le lendemain, Charlotte expliqua à Mathilde que son amie devait garder la chambre et qu’elle

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