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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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récidive.
     
    – Vous êtes un démon, Blaise, un vrai démon, mais un démon irrésistible ! Pour me conduire ainsi, sûr que j’irai en enfer ! dit-elle avec une équanimité qui enlevait toute gravité à la perspective.
     
    Fontsalte sourit et l’embrassa tendrement.
     
    – Nous irons ensemble, Dorette, et notre flamme étonnera Méphisto !
     
    Ils rirent, s’embrassèrent et descendirent vers le lac tandis que la barque de Flora glissait vers le rivage de Rouvenaz.
     
    – Pourquoi ne viendriez-vous pas avec moi à Neuchâtel, devenue principauté française, où je dois me rendre pour vérifier que tous les emblèmes et armoiries des rois de Prusse ont été remplacés par l’aigle impériale sur les bâtiments publics… y compris sur les fontaines ! Ce serait un nouveau pas vers l’enfer, proposa Blaise.
     
    – Taisez-vous ! J’ai encore assez de raison, Dieu merci, pour conserver le sens du devoir. Quand reviendrez-vous ? demanda-t-elle, pour couper court à toute insistance.
     
    – Bientôt, j’ose l’espérer. À moins que la guerre ne reprenne, que l’armée s’en aille en Angleterre ou ailleurs ! Mais, où que je sois et quelle que soit la durée de mon absence, sachez, Dorette, que je n’aurai toujours qu’un désir… démoniaque : vous revoir !
     
    Blaise attendit, assis sur une murette au bord du lac, que la voile eût disparu derrière le cap rocheux qui fermait, à l’ouest, la petite baie de Clarens. Le soleil déclinait quand il regagna l’auberge du Bosquet-de-Julie, en se disant que Dorette et lui, plus heureux que les amants platoniques et mièvres de Rousseau, avaient vécu un bel après-midi d’amour, à l’ombre d’un vieux châtaignier. Une chose inestimable dans la vie hasardeuse d’un soldat.
     
    Le lendemain à l’aube, le colonel Fontsalte prit la route de Neuchâtel, où l’attendait le général Oudinot, commissaire impérial qui avait reçu le 23 mars 1805, des mains du baron de Chambrier, commissaire prussien, le sceptre de souveraineté de la principauté.
     

    Deux mois plus tard, le 21 août, Charlotte Métaz fut invitée pour la première fois, avec Mathilde Rudmeyer, au château de Coppet. Les deux femmes, appartenant à la catégorie des « visiteuses reçues mais non logées », prirent pour quarante-huit heures une chambre dans une maison voisine du domaine, dont les propriétaires hébergeaient traditionnellement les invités de M me  de Staël. La beauté de Charlotte fut remarquée par tous les messieurs qui lui furent présentés, mais elle n’eut d’yeux, le premier jour, que pour M. de Chateaubriand, en visite au château, et pour M. Benjamin Constant, dont on commençait à dire qu’il faisait pleurer la châtelaine.
     
    Dès son retour à Lausanne, éblouie et enthousiaste comme une débutante revenant d’une présentation à la cour, elle rédigea à l’intention de Blaise de Fontsalte une longue lettre, dont elle n’imagina pas un instant qu’elle pût être prise comme rapport d’espionne.
     

    « Je viens de passer à Coppet, chez M me  de Staël, deux journées enchanteresses. Vous m’avez dit que votre empereur n’aime pas beaucoup cette dame, mais, moi, je l’ai aimée dès que je l’ai vue et, surtout, dès que je l’ai entendue parler. Si vous aviez été là, vous l’auriez aimée aussi, car il n’est pas un homme qui puisse résister à son charme ni à sa façon de conduire la conversation sur les sujets les plus élevés. Elle a le don, par son esprit, de mettre en valeur l’esprit des autres. Auprès d’elle, je me suis sentie plus intelligente que je ne suis et capable de m’intéresser et même, parfois, de comprendre des théories ardues. Ce don qu’elle a de forcer les gens à se montrer diserts et éloquents plaît aux messieurs, toujours désireux de briller, surtout quand il y a des dames pour les écouter !
     
    » On ne peut pas dire que la châtelaine de Coppet soit jolie et bien faite. Elle est corpulente et porte des robes trop serrées, qui la font peut-être paraître plus grosse qu’elle n’est. À près de quarante ans, elle a une peau lisse, de très beaux seins, volumineux et rebondis, dont elle est, je crois, assez fière. Ses mains sont grandes et ses doigts longs et effilés. Le bas du visage est lourd, un peu mou, les pommettes très colorées, mais cela vient peut-être de l’air vif de Coppet, car elle passe des heures en promenade dans son parc

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