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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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bras passé dans l’anse d’un panier, la jeune femme traversa la grève à petits pas et se dirigea vers la terrasse, à l’opposé de l’endroit où Blaise attendait. Ce dernier, qui avait tout de suite reconnu la taille fine et la démarche dansante de Charlotte, apprécia sa prudence et trouva son déguisement en parfaite harmonie avec le décor. Julie d’Étanges devait être ainsi vêtue quand elle allait à la rencontre de Saint-Preux.
     
    La jeune femme avança sous les arbres et, quand elle fut hors de vue des habitations, se retourna, invitant Blaise à la rejoindre. Ils échangèrent un furtif baiser de retrouvailles, puis elle lui passa le panier, dont l’anse d’osier avait imprimé des chevrons rouges sur son avant-bras. Blaise effleura ce stigmate de ses lèvres, provoquant ainsi chez Dorette un frémissement incontrôlable.
     
    – Nous ne devons pas rester ici… Où est votre cheval ?
     
    Fontsalte désigna Yorick, attaché à un pieu.
     
    – Nous allons monter à Hauterive… C’est une terre en friche qui appartient à ma famille. Vous me prendrez en amazone en avant de votre selle… mais votre redingote me paraît de trop, dit-elle avec un sourire en se dirigeant vers Yorick.
     
    Blaise ôta son vêtement, ouvrit le col de sa chemise, troussa ses manches.
     
    – Ai-je assez l’air d’un paysan qui enlève sa promise ?
     
    – C’est mieux, encore que vos favoris et votre moustache vous interdisent de passer pour un enfant du pays !
     
    – J’aurais pu me raser… si vous m’aviez prévenu !
     
    – Oh ! non ! Ce serait dommage, minauda-t-elle, en passant une main caressante sur la joue de l’officier.
     
    Ils allèrent ainsi vers la montagne, au pas de Yorick, Blaise entourant la taille de Dorette, qui s’abandonnait tendrement contre la poitrine de son amant. À distance, on les eût pris pour un couple de jeunes villageois se rendant à leurs travaux dans les champs ou les vignes. Dès qu’ils furent assez éloignés du village, ils mirent pied à terre et s’étreignirent longuement, puis ils se remirent en route et, après un bref parcours sur un sentier escarpé, arrivèrent sous les châtaigniers de Hauterive. Le site dominait la baie de Clarens et offrait un splendide panorama du lac.
     
    – Voilà, nous sommes sur une terre qui m’appartient. Elle ne vaut rien mais j’y tiens, car ces vignes que vous voyez là, en contrebas, occupent ce qui était autrefois le bosquet de Julie. Les arbres ont été abattus par les moines pour faire place au vignoble. Mon mari voudrait bien faire la même chose sur ce terrain, couper mes châtaigniers et planter encore et toujours de la vigne, mais je résiste.
     
    Assis sous un vieil arbre, ils bavardèrent longtemps, Blaise ayant plus de choses à raconter que Charlotte, qui voulait tout savoir de la vie de son amant au cours des mois de séparation. Lui la fit parler de son existence à Vevey, de ses séjours à Lausanne, des gens qu’elle y rencontrait.
     
    – Êtes-vous allée à Coppet, chez M me  de Staël ?
     
    – Pas encore.
     
    – Vous devriez vous y faire inviter. On dit qu’on y rencontre la meilleure société d’Europe…
     
    – Et beaucoup de gens qui n’aiment pas Napoléon, n’est-ce pas ! Et vous voudriez savoir qui ! Voulez-vous faire de moi une espionne, Blaise ? demanda en riant Charlotte.
     
    – Mon Dieu, cela compenserait les activités de votre amie Flora !
     
    Quand les caresses de Blaise se firent plus pressantes, M me  Métaz tenta d’imposer le calme à son amant.
     
    – Blaise, je me suis promis, puisque nous avons la chance de pouvoir correspondre et nous voir de temps en temps, de ne plus pécher. J’offre ce sacrifice, qui me coûte, pour appeler sur vous et sur mes enfants la protection du ciel. Si notre amour reste pur, Dieu nous accordera indulgence et pitié… Et puis vous ne devez pas être privé des plaisirs ordinaires que procurent les femmes…
     
    Fontsalte lui ferma la bouche d’un baiser et la sentit fléchir dans ses bras. Elle résista un court moment, puis se trouva dépouillée de son corsage et de sa jupe, en même temps que de ses sages résolutions !
     
    Plus tard, quand elle eut remis de l’ordre dans sa toilette et qu’ils eurent fait honneur à la collation que Charlotte-Dorette avait apportée, M me  Métaz ne manifesta nul remords et, l’heure de la séparation approchant, provoqua une fougueuse

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