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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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réputation et d’une excellente table. Charlotte rappelait que « les grenadiers du Premier consul s’y étaient arrêtés pour boire, en mai 1800, et avaient laissé une note impayée ! ». De Clarens, lieu très visité par les admirateurs de Jean-Jacques Rousseau, l’officier aurait une belle vue sur le Grammont qui, de l’autre côté du lac, culminait à plus de deux mille mètres. Charlotte comptait que Fontsalte arriverait au rendez-vous à cheval et en tenue civile, car les amants devraient monter ensemble à travers le vignoble jusqu’à Hauterive, un lieu tranquille. Flora accompagnerait son amie jusqu’à Rouvenaz et continuerait, par le lac avec le batelier, jusqu’au château de Chillon, pour rendre visite à un oncle, gardien de la forteresse.
     
    Blaise de Fontsalte sourit en relisant les consignes et admira le sens de l’organisation dont faisait preuve la Veveysanne. Le soir même, il alla s’installer à l’auberge du Bosquet-de-Julie. Dès son arrivée, l’équipage du colonel, bel homme décoré de la Légion d’honneur – une superbe berline à deux chevaux, des postillons disciplinés, une ordonnance à jambe de bois et des chevaux de selle au poil luisant – impressionna le personnel de l’hôtel. Blaise se présenta comme pèlerin littéraire, à la recherche des sites qui avaient servi de cadre aux amours de Julie et Saint-Preux, et se montra fort généreux avec les servantes et valets, afin d’effacer les mauvais souvenirs que les soldats français avaient pu laisser.
     
    Au crépuscule, devant sa fenêtre ouverte sur le lac, il ouvrit la Nouvelle Héloïse et se dit que Jean-Jacques Rousseau avait eu raison d’écrire « la douce égalité qui règne ici rétablit l’ordre de la nature, forme une instruction pour les uns, une consolation pour les autres, et un lien d’amitié pour tous ». « Et pour moi, se dit Blaise, une parfaite étape amoureuse ! »
     
    Avec la même aisance qu’elle avait mise à organiser sa journée avec Blaise de Fontsalte, M me  Métaz fabriqua, à l’usage de son mari, une fable qui fut aisément acceptée. Depuis plusieurs mois, Guillaume envisageait d’acquérir un ancien couvent fortifié et à demi ruiné, situé à Sâles, un village voisin de Rouvenaz.
     
    – Je vais profiter de la visite que Flora va faire à son oncle, à Chillon, pour aller voir de près ces bâtiments, sans me faire connaître. Je t’en rapporterai un croquis, peut-être même une aquarelle si le sujet m’inspire, proposa Charlotte, qui peignait joliment.
     
    M. Métaz accepta avec reconnaissance cette proposition, à la fois prétexte et alibi pour la femme infidèle.
     
    Cette belle combinaison faillit crouler quand, au moment où Charlotte et Flora embarquaient à Vevey dans la barque familiale, Axel émit, avec sa véhémence habituelle, le désir d’accompagner sa mère et sa marraine. Guillaume trouva l’idée excellente et Flora se détourna pour ne pas rire de la déconvenue de son amie. Charlotte se souciait peu d’emmener son fils à un rendez-vous galant. Elle fit observer à Guillaume qu’elle aurait une journée fatigante et dit surtout craindre de ne pouvoir prévenir, à bord du bateau, les imprudences que l’enfant ne manquerait pas de commettre.
     
    – Un jour, tu iras en bateau avec ton père. Flora et moi ne prenons pas cette responsabilité, dit-elle.
     
    Puis, pour compenser la déception d’Axel, boudeur et renfrogné, elle convainquit son mari de conduire le garçon à l’inauguration du nouveau pont à une seule arche jeté sur la Veveyse.
     
    – Ouf, j’ai cru qu’on ne partirait jamais ! souffla-t-elle à Flora quand, le batelier ayant déployé la voile, la barque s’éloigna de la rive où se tenaient Métaz père et fils.
     
    – Que de mensonges ! soupira M lle  Baldini en agitant son mouchoir pour répondre à l’au revoir de son filleul.
     
    Dès ce moment, les choses se passèrent comme M me  Métaz l’avait voulu.
     
    Au jour et à l’heure dits, Fontsalte, qui avait annoncé à l’aubergiste son intention de faire une longue promenade à cheval, aperçut de la terrasse de Rouvenaz une barque à voile unique. Dissimulé par un bosquet, il vit débarquer une jolie paysanne, corsage blanc, jupe ample, tablier de dentelle, dont le visage disparaissait dans l’ombre d’un grand chapeau de paille souple, aux ailes rabattues et serrées sur les joues par un voile de mousseline. Le

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