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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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fut aisément admis par les Vaudois. La grande majorité d’entre eux approuvait l’action de la France et les autres tenaient leurs turbulents voisins monta gnards pour paysans arriérés. Le gouvernement français ayant donné clairement à entendre qu’en cas de contestation violente la Suisse tout entière serait agrégée à l’empire, on n’entendit, ici ou là, que des protestations de principe sans portée.
     
    Guillaume Métaz était de ceux que la puissance napoléonienne époustouflait. Un journal ayant publié une carte de l’Empire français du moment, il déclara que la construction d’une Europe pacifique et prospère, tant souhaitée par Blanchod et d’autres, était en bonne voie. L’autorité de Napoléon s’étendait, non seulement sur cent trente départements français, peuplés par plus de quarante millions d’habitants, mais aussi sur l’Italie, l’Espagne, le royaume de Naples et des Deux-Siciles, la Hollande, les provinces illyriennes, la Confédération du Rhin. Cette dernière groupait trente-huit États, soit toute l’Allemagne moins la Prusse. À ces territoires, qui fournissaient aux armées impériales quantité de soldats, il convenait d’ajouter le chef-lieu de Hambourg. En tout, l’Empire comptait « quatre-vingts millions de catholiques » ainsi que l’avait fait savoir l’empereur au pape, toujours en résidence forcée à Savone.
     
    – Depuis Charlemagne, aucun conquérant n’a vu aussi grand, s’ébaubissait Guillaume, même quand ses amis lui rappelaient que l’Angleterre n’avait pas désarmé, que l’Espagne était à feu et à sang, que le tsar de Russie donnait des signes d’agacement et que la conscription, mangeuse d’hommes, semblait, de plus, mal acceptée par les Français.
     
    L’annonce de la naissance d’un héritier, aussitôt baptisé roi de Rome, au foyer de l’empereur, le 20 mars 1811, conforta la foi de ceux qui croyaient à l’avènement d’un grand empire fédératif. Devant le berceau de son fils, Napoléon n’avait-il pas dit de l’enfant : « Il fixera les destinées de l’Empire » ?
     
    – Tout homme qui a la chance d’avoir un fils est un roi ! proclama Guillaume en donnant une bourrade à Axel.
     
    Chantenoz s’abstint de commenter les joies et avantages de la paternité, mais il échangea avec Charlotte un regard dont elle comprit l’ironie. Comme ce soir-là le précepteur avait bu un peu plus que de raison, ainsi qu’il arrivait quelquefois depuis l’affaire de Loèche, il rappela que Napoléon avait dit et répété au moment de son mariage avec Marie-Louise, et ce avec un tact qui avait laissé ses interlocuteurs pantois : « C’est un ventre que j’épouse ! »
     
    – De ce côté-là, au moins, il n’aura pas été déçu puisque l’héritier est arrivé. Ce qui étonne, c’est que ce génie universel n’ait pas réussi à trouver, ou à obtenir des savants, un moyen scientifique capable d’accélérer la gestation des princesses, alors que de simples femmes semblent avoir trouvé le moyen de retarder les naissances en fonction des circonstances de la conception !
     
    À ces mots, Charlotte, pour qui était claire l’allusion, adressa à Martin un regard mauvais.
     
    – Ton étonnement n’est pas de bon goût, dit-elle sèchement.
     
    – Tu dis n’importe quoi ! L’homme et la femme ne peuvent aller contre la volonté de Dieu, ajouta Guillaume.
     
    – Ni contre la nature, renchérit Blanchod.
     
    Chantenoz, en verve, ne tint aucun compte de ces remarques et se lança dans une série de moqueries, traduisant à sa manière des textes latins composés par de pieux et antiques poètes pour l’édification des fidèles au cours des siècles passés. Peu de catholiques connaissaient ces hymnes niaises dénichées par le précepteur à la bibliothèque de l’Académie de Lausanne.
     
    – Hildebert improvise sur l’heureux ventre, les mamelles de la Vierge et la couche de celle-ci : « où nul mari, selon le rite, n’osa se glisser ».
     
    Et Martin ajouta, pour faire bonne mesure, deux vers trouvés dans un missel autrichien :
     
    »  Gaude, Virgo, mater Christi ,
    Quae per aurem concepisti 9 .
     
    » Sois en joie, Vierge, mère du Christ, toi qui par l’oreille as conçu », traduisit Chantenoz en levant son verre de vin blanc comme pour porter un toast.
     
    – Par l’oreille ? fit Blanchod, stupéfait
     
    – Par l’oreille, oui, par

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