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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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le rassurer.
     
    La colonne liquide, dont certains dirent plus tard qu’elle avait au moins vingt pieds de diamètre et cinq cents pieds de haut, s’éloigna vers Villeneuve. Poussée par le vent, labourant le lac, ondulant telle une almée lascive, la trombe disparut aux regards d’Axel et de son maître, tandis que la pluie redoublait de violence.
     
    – Tu viens de voir un des plus étonnants spectacles qu’offre la nature. La trombe naît de la conjonction de l’orage et d’une ascendance rapide de l’air et devient trompe aspirante au sens physique du terme. C’est un phénomène que les savants nomment détente adiabatique. On en a vu quelquefois sur le Léman, en 1741 et en 1742 notamment. M. Jallabert, alors professeur de physique à Genève, en a donné témoignage. C’est donc un phénomène rare auquel tu viens d’assister, conclut Chantenoz.
     
    Peu à peu, l’intensité de l’averse décrut, tandis que l’orage s’éloignait. Le soir, autour de la table et ensuite à la veillée, les intempéries furent, chez les Métaz, le seul sujet de conversation. Revenus trempés jusqu’aux os d’une tournée dans le vignoble, Guillaume et Blanchod révélèrent l’étendue des dégâts. La forte pluie avait raviné les parchets, entraînant une partie de la mince couche de terre que les hommes y tassaient depuis plusieurs générations. Sautant les murets, l’eau ruisselante devenait cascade, rebondissait sur les pierres, transformait les sentiers en torrents. Des coulées de boue glissaient jusqu’à la route des berges. Les pieds de vigne qui n’avaient pas été meurtris, écorcés par la grêle, déracinés ou emportés, se cramponnaient, racines à nu, aux mottes de terre oubliées par le déluge.
     
    La Veveyse, sortie de son lit, avait inondé plusieurs maisons et gâté des marchandises dans les boutiques riveraines. Les vieux Veveysans, se souvenant des débordements plus catastrophiques du passé, se félicitaient que leurs descendants aient élevé des parapets et remplacé par des ponts de pierre les ponts de bois qui eussent été emportés par la rivière torrentueuse.
     
    On ignorait encore les dégâts subis, dans les villages voisins, par les fermes et les étables, mais un voiturier affirmait avoir vu des cadavres de vaches sur les prairies des replains inondés. À la nuit tombée, tandis que les pompiers s’affairaient encore, Charles Ruty, membre du conseil communal, assura qu’on devait considérer comme un vrai miracle le fait qu’aucune perte humaine n’eût été signalée à l’hôtel de ville.
     
    – On y verra plus clair demain, conclut Guillaume Métaz en donnant le signal du coucher.
     
    Le jour venu, il aurait avec Simon Blanchod à évaluer les ravages causés au vignoble et, peut-être, au chantier des barques, que l’eau du lac avait un moment envahi.
     
    Avant d’éteindre sa chandelle, Axel, goûtant le plaisir élémentaire d’être à l’abri du mauvais temps, écouta un moment la pluie gifler les volets bien clos de sa chambre.
     

    Le tintement de la cloche de l’entrée, vigoureusement agitée, tira brutalement Axel du sommeil. L’enfant eut le sentiment qu’il venait à peine de s’endormir. Il n’avait pas été le premier éveillé par le carillon qui mettait en alerte toute la maisonnée, mais il sauta de son lit dès qu’il entendit son père descendre précipitamment l’escalier. Une visite à pareille heure ne pouvait qu’être relative aux intempéries de la veille. Le garçon eut tôt fait de passer un pantalon et une chemise, pour se glisser sur le palier et écouter ce qui se disait dans l’entrée.
     
    Un homme parlait à son père, mais il ne perçut que des bribes de phrase : « … la foudre… cheval emballé… cabriolet versé… tête fracassée… pas un mot, monsieur… chez elle, monsieur… » Puis il entendit plus distinctement M. Métaz dire au visiteur : « Je m’habille et on y va. Entre à la cuisine, on te servira du café. »
     
    Comprenant qu’un drame s’était joué quelque part, Axel attendit sur le palier que son père remontât pour l’interroger :
     
    – Qu’est-ce qui…
     
    – Ah ! mon pauvre garçon, mon pauvre Axel ! Mathilde, ta grand-tante. Un accident à Ouchy. Elle est morte. Faut que j’annonce ça à ta mère.
     
    – Je vais avec vous, dit Axel en suivant son père, qui se dirigeait vers la chambre de sa femme.
     
    Charlotte, elle aussi réveillée

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