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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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par la cloche de l’entrée, avait tout de suite imaginé quelque incident dû à l’orage. Guillaume et Axel la trouvèrent assise sur son lit, sa veilleuse allumée, en train de se brosser les cheveux.
     
    Avant même qu’elle ait eu le temps de poser une question, Axel s’était jeté à son cou pour l’embrasser.
     
    – Mais… que se passe-t-il pour que tu sois debout à cette heure ? fit-elle, surprise par cet assaut de tendresse inexpliqué.
     
    – C’est Mathilde, Charlotte, elle a eu un accident, hier, pendant l’orage, intervint aussitôt Guillaume.
     
    – Mon Dieu…, est-elle blessée ? demanda précipitamment Charlotte en se dégageant de l’étreinte de son fils.
     
    – C’est… c’est qu’elle est morte, ma pauvre cocolette… Le crâne fracassé…
     
    M me  Métaz eut un moment d’hébétude puis se prit la tête à deux mains.
     
    – Oh ! non ! Ce n’est pas vrai… On ne meurt pas comme ça…, pas Mathilde !
     
    Le cri de Charlotte impressionna si fort Axel qu’il se redressa, ne sachant que faire devant l’intense expression du chagrin de sa mère. Comme il demeurait figé et contrit, Charlotte l’attira contre elle et l’embrassa, lui mouillant le visage de ses larmes.
     
    – Mon petit Axou, tu es malheureux, toi aussi. Elle t’aimait tante Mathilde !
     
    Puis elle se tourna vers son mari :
     
    » Qui est venu prévenir ?
     
    – Le cocher. Le pauvre gars, il s’en veut d’avoir laissé sortir ta tante avec le cabriolet alors que l’orage menaçait. Mais qu’aurait-il fait de plus ? La foudre est tombée devant le cheval, sur la route d’Ouchy à Pully. Effrayé, l’animal s’est emballé, a tourné bride brutalement et le cabriolet a versé. Mathilde a été jetée sur un muret, sa tête a porté. Le médecin dit qu’elle a été tuée sur le coup… Je vais faire atteler et nous partirons pour Lausanne quand tu voudras.
     
    – Dès que je serai prête. Envoie-moi Polline, qu’elle m’aide à préparer un petit bagage. Oh ! mon Dieu, je ne peux pas croire ça ! Mathilde… Il va falloir prévenir maman et Blandine… Oh ! mon pauvre Guillaume, quel malheur !
     
    M. Métaz vint embrasser tendrement sa femme et lui dit à voix basse, tandis qu’elle sanglotait sur son épaule, des mots qu’Axel n’entendit pas. C’était la première fois qu’il assistait à une telle manifestation de tendresse entre ses parents. Il en fut gêné et s’éloigna. Avant de passer la porte, il dit simplement, d’un ton qui ne laissait pas place au refus :
     
    – J’irai avec vous à Lausanne.
     

    Axel Métaz n’avait encore jamais approché de mort. La vue de sa grand-tante roide et pâle, lèvres bleuies, mains jointes et comme liées par un chapelet, allongée dans une belle robe de soie noire à collet de dentelle, sur son grand lit à baldaquin, ne l’impressionna pas autant que Charlotte le redoutait. Le visage de la morte, dont on avait arrangé la coiffure afin de dissimuler la fatale blessure, portait figée, comme sculptée, l’ultime crispation de la douleur. Charlotte et Guillaume embrassèrent Mathilde au front, mais, quand M me  Métaz, s’écartant du lit, invita son fils à faire de même, Axel se déroba.
     
    Un peu plus tard, dans le salon où Mathilde Rudmeyer avait passé les heures les plus heureuses et les plus mélancoliques de sa vie, Charlotte prit en main l’organisation du deuil. Il fallait envoyer un courrier à Échallens, pour annoncer à M me  veuve Rudmeyer le décès de sa belle-sœur, et à l’institut Sainte-Ursule de Fribourg, pour prévenir Blandine. Cette dernière n’aurait à quitter son pensionnat que le temps du dernier acte des funérailles, les Rudmeyer étant tous inhumés dans leur caveau, au cimetière de Fribourg, première résidence suisse de leurs ancêtres. Charlotte voulut aussi que les proches amies lausannoises de sa tante, celles qu’elle nommait les papoteuses de la rue de Bourg, fussent rapidement informées de la disparition de la femme dont elles avaient autant apprécié les cakes que la conversation.
     
    Pendant ces préparatifs funèbres, Axel se taisait. Assis dans un coin du salon, il observait l’effet du chagrin sur les êtres. Le visage baigné de larmes de la servante, la consternation de la cuisinière, épouse du brave cocher qui allait répétant qu’il n’aurait jamais dû laisser Mademoiselle prendre le cabriolet alors que l’orage

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