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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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veillait à ce que personne ne vînt troubler la quiétude des amoureux.
     
    – Si le mari se montre, général, je l’estourbis ou je le jette à la rivière ?
     
    – Ni l’un ni l’autre, Titus. Tu t’arranges pour nous prévenir de son apparition. Tu inventes une fable pour le retenir le temps que nous prenions le large. L’ennui, c’est que je ne sais pas comment il est fait. Je me fie à ton flair. Mais, pas de scandale. Compris ?
     
    – Et la berline ! Hein, j’y dirais qu’elle appartient au roi de Prusse ?
     
    – Tu diras que c’est la voiture d’un grand seigneur, amant de Joséphine…
     
    – Ça, c’est peut-être pas une fable, général, dit Titus en clignant de l’œil.
     
    Ces précautions se révélèrent inutiles. Deux jours plus tard, l’impératrice ayant décidé de visiter Annemasse, Bonneville, Cluses, Chamouny et la mer de Glace, le général Fontsalte dut quitter Dorette, sans pouvoir dire quand il la reverrait. Il laissa à sa maîtresse deux sépias que lui avait donnés M. de Turpin : l’un représentait la cathédrale de Lausanne, l’autre l’église Saint-Martin de Vevey. M me  Métaz les fit encadrer et raconta à son mari ébahi que ces œuvres d’art toutes fraîches lui avaient été offertes par l’impératrice soi-même. Flora, qui ne pouvait être aussi aisément dupée, trouva que Charlotte forçait ce jour-là son talent de menteuse !
     
    Par une lettre datée de Neuchâtel, Charlotte apprit, fin septembre, ce que Joséphine, revenue de la mer de Glace, avait décidé dès son retour à Genève. « Nous voilà partis pour une nouvelle expédition qui va nous conduire à La Chaux-de-Fonds, au Saut-du-Doubs, au lac de Bienne, à Berne, à Thoune, à Interlaken, à la Jungfrau et Dieu sait où encore ! Nous n’avons passé que deux jours à Genève, le temps d’enterrer Askim, le chien de Joséphine, mort victime de sa gloutonnerie, sans doute étouffé par un os de poulet que lui avait donné l’impératrice, à moins qu’il n’ait été empoisonné par la poudre noire, réputée digestive, qu’un vétérinaire genevois vint administrer à l’impérial barbet ! »
     
    En terminant sa lettre, écrite d’une plume excédée, Blaise annonçait à Charlotte qu’il suppliait son ami Ribeyre de le relever de sa mission, fatigué qu’il était « de jouer le discret ange gardien d’une personne certainement atteinte de manie déambulatoire mais ne présentant aucun danger pour la sécurité de l’Empire » !
     

    Avec l’automne et les vendanges, la vie reprit, à Rive-Reine, son cours paisible et familier. Seul Chantenoz poussa quelques vociférations bien senties quand les journaux de Lausanne annoncèrent, avec beaucoup de retard et une certaine complaisance, que M. Savary, duc de Rovigo, ministre de la Police, avait fait saisir, le 25 octobre, chez l’imprimeur Marne, les planches et les feuilles déjà tirées du livre de M me  de Staël, De l’Allemagne . Le ministre avait aussi intimé l’ordre à l’auteur de quitter la France, où la châtelaine de Coppet avait été admise à revenir à condition qu’elle résidât à quarante lieues de Paris. Installée depuis le mois d’avril au château de Chaumont, près de Blois, elle avait surveillé l’impression d’un livre qui ne paraîtrait pas.
     
    – Toucher aux livres, c’est attenter à la liberté de l’esprit ! s’écria Chantenoz en polissant ses verres de lunettes, signe d’intense émotion.
     
    Bien qu’il n’appréciât ni le style ni le comportement social de M me  de Staël que les Anglais eussent qualifié de blue-stocking 8 , il déclara qu’en agissant ainsi Napoléon se couvrait de ridicule, ramenait la France au temps de l’Inquisition et, surtout, donnait aux vues politiques de cette victime de la nouvelle censure impériale une importance qu’elles n’avaient pas.
     
    L’annexion par la France, le 14 novembre, de la république du Valais et sa transformation en département français du Simplon, décrétées par l’empereur parce que « ce territoire séparait la France de l’Italie au détriment de l’unité de l’Empire », suscita plus d’émotion que le retour de M me  de Staël à Coppet. La nécessité de contrôler totalement les passages des Alpes avait dicté cette décision arbitraire au médiateur de 1803.
     
    Ce transfert de nationalité, qui ne devait rien changer à la vie quotidienne des Valaisans,

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