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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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courriers jusqu’à l’empereur.
     

    Tandis que Joseph Bonaparte aménageait son château et réclamait meubles, tableaux et objets d’art « confisqués » aux Espagnols et chargés dans des tapissières au moment de l’évacuation du palais royal de Madrid, M me  de Staël s’installait à Coppet pour l’été, en compagnie de John Rocca que l’on disait miné par la tuberculose. La châtelaine de Coppet, elle-même amaigrie, pâle, fatiguée, avait été assez déçue par Louis XVIII qui avait « octroyé » aux Français une Charte bourgeoise dont elle n’appréciait guère les termes.
     
    À Paris, elle avait rouvert un temps son salon, rue du Bac, pour recevoir le tsar, les princes et généraux vainqueurs de Napoléon, les nouveaux notables et courtisans dont Talleyrand, ministre des Affaires étrangères, mais elle avait aussi connu une sorte de désenchantement. Le roi ne semblait pas pressé de rembourser les deux millions quatre cent mille francs prêtés à Louis XVI, son frère, par le banquier Jacques Necker. Or, Germaine avait besoin d’argent, intérêt et capital, pour doter sa fille Albertine, promise au duc de Broglie !
     
    À quarante-huit ans, cette femme au charme usé conservait tout son aplomb, son goût et sa science de l’intrigue. Après avoir soutenu les ennemis de son pays, milité contre Napoléon, s’être réjouie de la chute de ce dernier en compagnie de ceux qui avaient étréci la France jusqu’à ses frontières de 1792, M me  de Staël entreprit de renouer des relations avec Joseph Bonaparte, Coppet n’étant situé qu’à une dizaine de kilomètres de Prangins.
     
    Fontsalte voyait d’un assez mauvais œil ce rapprochement, que l’on disait fondé sur la commisération qu’inspiraient à M me  de Staël les douloureux revers des Bonaparte. Blaise appréciait la gentillesse naturelle, le caractère loyal et paisible de Joseph mais connaissait aussi la rouerie onctueuse de M me  de Staël qui avait eu autrefois un faible pour ce frère de Napoléon. Aux Affaires secrètes, le dossier Staël contenait en effet la copie d’une lettre adressée de Suisse à Joseph Bonaparte par Germaine, le 8 décembre 1801, pendant les préliminaires du traité d’Amiens : « Cherchez autour de vous qui vous aime plus sincèrement que moi, qui vous aime plus pour vous-même, sans avoir à demander rien de plus que votre présence 7  », minaudait-elle en ce temps-là. Ces manières n’étaient plus de mise, mais la châtelaine de Coppet choisit le jour où Joseph recevait à dîner le célèbre Talma, qui tenait le rôle d’Oreste dans Andromaque qu’on jouait à Genève, pour intervenir sans s’être fait annoncer. Elle argua d’un excellent prétexte : la vie de l’empereur était en danger ! Le général Carlo Filangieri, aide de camp de Murat, lui avait confié que deux hommes allaient se rendre de Corse à l’île d’Elbe pour assassiner Napoléon. Sachant ce projet, elle ne pouvait, en conscience, le taire. Joseph prit cette confidence au sérieux et fit immédiatement partir pour l’île d’Elbe un homme de confiance avec mission d’alerter l’empereur et de prendre toutes dispositions pour prévenir l’attentat. L’exilé était déjà informé des menaces qui pesaient sur sa vie.
     
    Les anciens des Affaires secrètes savaient depuis plusieurs semaines que le chevalier de Guérin de Bruslard, un des hommes liges de Louis XVIII, avait été nommé préfet de la Corse avec mission d’organiser l’assassinat ou l’enlèvement de Napoléon. La besogne des tueurs devait être facilitée par Mariotti, consul de France à Livourne, que des agents royalistes, infiltrés dans l’entourage immédiat de l’empereur, tenaient informé des faits et gestes de ce dernier. Les hommes de Ribeyre avaient heureusement identifié depuis longtemps tous ces espions qu’on laissait vaquer sous surveillance, afin de ne pas éveiller l’attention de Mariotti et de Bruslard. De temps à autre, on se servait même de ces gens, à leur insu, pour faire passer aux royalistes de faux renseignements.
     
    Blaise de Fontsalte savait Lausanne truffée d’espions à la solde des Alliés et de Louis XVIII, aussi confiait-il parfois à Charlotte Métaz des documents qu’il ne voulait pas conserver dans la petite maison d’Ouchy. Elle les cachait dans son hôtel de la rue de Bourg, « chez Mathilde », comme on disait encore. Au moulin sur la Vuachère, le

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