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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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perçût la manœuvre, à se montrer protecteur quand fulguraient les éclairs, puis tendre quand grondait le tonnerre et soudain caressant alors que la pluie fouettait la vitrine. Elle finit par l’entraîner dans l’arrière-boutique « pour ne pas voir l’orage », se blottit contre lui et fit une constatation qui laissa Axel confus et désorienté.
     
    – Eh bien, que se passe-t-il là ? dit-elle, montrant puis posant la main sur la protubérance qu’il tentait vainement de dissimuler.
     
    – Je sais pas, fit-il, gêné.
     
    – Qu’est-ce que ça te fait quand tu m’embrasses ?… Est-ce comme lorsque tu embrasses ta maman ?
     
    – Non, c’est pas pareil, vous, j’ai envie de vous embrasser encore… et plus fort, oui, plus fort !
     
    – Eh bien ! embrasse-moi tant que tu voudras, dit-elle en l’attirant, en le serrant contre elle, jusqu’à ce qu’il sente les petits seins durs contre son torse, à travers la mince chemisette qu’il portait.
     
    Elle guida les lèvres hésitantes du garçon vers sa propre bouche et obtint le premier baiser passionné qu’Axel eût jamais donné à une femme.
     
    Déconcerté au-delà de toute mesure, l’adolescent se demandait s’il ne devait pas fuir pendant qu’il était temps. Le feu aux joues, il esquissa un mouvement de recul.
     
    – Mais tu es un homme ! dit-elle, faussement étonnée.
     
    Puis, comme il se taisait, à la fois confus et animé d’un désir inconnu, elle ajouta :
     
    » Sais-tu ce qu’est une femme ?
     
    Axel eut de la tête un mouvement de dénégation, qui la fit sourire.
     
    – Veux-tu le savoir ? ajouta-t-elle.
     
    De la tête encore, il fit signe que oui.
     
    – Alors, viens, dit-elle avec fougue, entraînant le garçon vers sa chambre. Viens, mais jure-moi de ne jamais dire à quiconque ce que je vais te montrer, ce que nous allons faire.
     
    – Je vous le jure, dit Axel d’une voix rendue rauque par l’émotion et le désir.
     
    Après l’amour, elle lui baigna le sexe et le visage à l’eau fraîche. La pluie avait cessé, le soleil déclinant irisait les flaques.
     
    – Et, si l’on s’étonne de ton retard, que diras-tu ?
     
    – Je dirai… que j’ai attendu la fin de l’orage et puis que vous aviez reçu des colis à déballer et que je vous ai aidée, lança-t-il en apercevant trois caisses livrées le même jour.
     
    – Souviens-toi ! C’est un secret entre nous.
     
    – J’ai juré… mais j’aimerais qu’on recommence, encore et encore…
     
    – Nous recommencerons… bientôt, c’est promis. Mais, tu sais, ce ne sera jamais comme la première fois. Jure aussi que tu n’oublieras jamais cette première fois. J’ai voulu être pour toi la première femme ! Il ne fallait pas qu’un garçon comme Axel Métaz offrît ça à une prostituée de Lausanne, comme le font les paysans !
     
    Elle avait des larmes plein les yeux et une bizarre trémulation des lèvres. Axel la prit dans ses bras, la serra fort, maladroitement, mais avec une réelle tendresse, puis il l’embrassa. Sous la batiste de la chemise de nuit enfilée en hâte, sa main trouva la pointe dardée d’un sein.
     
    – Jamais plus je ne vous appellerai Tignasse. Maintenant, vous êtes Rosine, pour moi tout seul ! Je suis votre amoureux !
     
    – Va-t’en, tu vas te faire gronder par ta maman. Et surtout, souviens-toi… un secret, notre secret, conclut-elle en le poussant dehors.
     
    Il s’en fut sur un dernier baiser, galopant le long du lac, sautant les flaques, léger, heureux, amoureux, serrant au fond de sa poche le sucre d’orge alibi qu’elle lui avait glissé et qui était son salaire habituel quand il aidait au déballage des colis.
     
    Ce fut tout de même avec un peu de crainte qu’Axel pénétra dans le salon où la famille était rassemblée autour de M. Métaz qui pérorait avec véhémence. À l’hôtel de la Couronne, à Nyon, tenu par son ami Olivier, il avait rencontré, le matin même, des bonapartistes soucieux d’échapper à la Terreur blanche que faisaient maintenant régner en France les royalistes, échaudés par la dernière aventure napoléonienne. Ces nouveaux émigrés ne souhaitaient qu’être hébergés discrètement et pour un temps dans le canton de Vaud, où les autorités ne recherchaient que mollement ceux qui avaient aidé Napoléon pendant les Cent-Jours. Blanchod, Chantenoz et Charles Ruty citaient des noms de gens qu’ils étaient

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