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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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blême, son corps sec et une absence de rondeurs dans le corsage qui l’avait fait surnommer sainte Agathe 8 par les bacounis.
     
    Quand Tignasse montait à l’échelle qu’elle accrochait à une barre de cuivre jaune, courant tout au long du rayon le plus élevé, le garçon ne pouvait se retenir de jeter un regard sous les jupes que l’épicière devait relever pour gravir les échelons. Axel devinait que c’était dans ce froufrou de faille et de jupons que résidait le mystère féminin. Depuis qu’il avait vu, dans les vignes, Nadine Ruty remonter son pantalon après s’être accroupie pour ce qu’elle avait nommé « un pipi d’oiseau », il voulait en savoir davantage. La pilosité entrevue l’avait intrigué, bien qu’il sût depuis longtemps – il avait assisté quand il était petit à la toilette de sa sœur cadette – que les filles ne sont pas faites comme les garçons. Des camarades plus âgés avaient déjà tenu devant lui des propos lestes donnant à penser qu’une certaine partie cachée du corps de la femme était destinée à recevoir le sexe de l’homme, quand un couple voulait procréer, et que ce rapprochement procurait un plaisir particulier à nul autre comparable. Rapprochement interdit en dehors du mariage par les commandements de Dieu, ainsi que l’enseignait le pasteur.
     
    Tout cela avait éveillé la curiosité d’Axel et la froide nudité des statues antiques observées au cours de son voyage en Italie le conduisait à souhaiter la révélation de nudités vivantes. C’est ainsi que naît souvent le désir de la femme chez un garçon sain.
     
    Axel comprit, sans pouvoir se l’expliquer, que ce besoin de connaissance débordait la simple curiosité, l’envie de découverte. Cette quête excitait en lui d’autres appétits que ceux de l’esprit. Quand il levait les yeux sur les jambes de Tignasse, une sorte de fourmillement le parcourait, comme si les regards portés sur la femme produisaient spontanément dans son corps un réflexe physiologique, une bizarre sollicitation organique. Souvent, moulant du café ou râpant le parmesan pour rendre service, il se prenait à souhaiter que la cliente demandât aussi un produit perché sur un rayon élevé, ce qui obligeait Tignasse à grimper à l’échelle, à moins que l’épicière ne le déçoive, en lui demandant d’y monter à sa place ! Chaque vision de la cuisse blanche de Rosine émergeant du bas noir que retenait, au-dessus du genou, une jarretière ornée d’un nœud de soie mauve pétrifiait Axel de confusion.
     
    – Qu’as-tu ? Tu es devenu muet tout à coup ! lui criait Tignasse en riant.
     
    Il bafouillait une vague explication et regardait dans la rue.
     
    Les choses se passèrent ainsi jusqu’au jour où il s’aperçut que Rosine, du haut de son échelle, avait surpris ses regards indiscrets. Il s’attendait à une remontrance, voire à une remarque ironique qui le couvrirait de honte, mais Tignasse ne fit aucune réflexion. Quelques jours plus tard, quand, en présence d’Axel, Rosine gravit à nouveau l’échelle pour remettre de l’ordre sur un rayon, le garçon se tint volontairement à l’écart. C’est alors qu’elle l’appela.
     
    – Attrape ça, s’il te plaît, dit-elle en lui tendant une boîte de riz, sans dissimuler ses jambes aux regards du garçon.
     
    Axel eut même le sentiment qu’elle avait, à ce moment-là, volontairement troussé sa jupe plus que d’habitude, offrant ainsi à voir plus qu’il n’était décent de montrer. Il découvrit qu’elle ne portait pas de bas. La finesse de la jambe et la blancheur lisse de la peau l’éblouirent.
     
    Dès lors, commença un étrange jeu entre cette femme au tempérament ardent, que l’absence d’un mari privait du plaisir de l’amour, et le garçon dont elle percevait la curiosité. Elle se montra, au fil des jours, de plus en plus libre avec Axel, n’hésitant pas à remettre sa jarretière en place devant lui, à laisser béer son corsage, moins dégarni que disaient les bacounis, provoquant des frôlements d’apparence fortuite, évaluant le trouble croissant du garçon. Le jour vint où, à l’heure de la fermeture de l’épicerie, alors qu’un orage violent s’abattait sur le lac, elle demanda à Axel de rester un moment avec elle dans la boutique close.
     
    – J’ai grand-peur du tonnerre, vois-tu, et puis cet été pluvieux me rend triste.
     
    Elle amena ainsi le garçon, sans qu’il

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