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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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mois, Martin se rendait compte que la croissance physique de son élève allait de pair avec un gain rapide de maturité et d’assurance. Axel le surprenait souvent en réagissant en homme là où un garçon du même âge n’eût manifesté qu’un réflexe d’adolescent.
     
    Les voyageurs arrivèrent de nuit à Londres, ce qui permit aux Suisses de découvrir des rues et places éclairées par des réverbères au gaz de charbon. Les Moore possédaient, à Mayfair, un hôtel particulier auquel on accédait par un perron abrité sous une marquise qui se développait comme un grand éventail de verre au-dessus des marches de marbre. De vastes dépendances et des écuries ouvraient sur une cour, derrière la maison. À l’intérieur, toutes les pièces étaient lambrissées et les hautes fenêtres fermées par de lourds rideaux de soie damassée. Meubles d’acajou, fauteuils nombreux, belles lampes et tapis moelleux conféraient à l’ensemble une opulence de bon ton. Suspendus aux murs, dans de lourds cadres tarabiscotés et dorés, des messieurs graves, parfois bizarrement accoutrés, alternaient avec des dames mélancoliques et dédaigneuses. Toutes portraiturées dans la même attitude, assises, mains croisées, elles paraissaient accablées par le poids de colliers, sautoirs, broches, pendentifs, bracelets et bagues, peints avec autant de minutie que leurs traits.
     
    – Lord Moore se fera un plaisir de vous présenter ses ancêtres et les miens, dit Elizabeth.
     
    – Vous en verrez dix fois plus à Pendlemoore, ajouta Janet.
     
    Un majordome et un valet furent requis pour conduire les invités aux pièces qui leur étaient réservées.
     
    – Vous avez une belle chambre, au second étage du bâtiment principal. Monsieur votre précepteur est logé au même niveau, mais dans l’aile de droite, en retour sur le jardin, dit Janet.
     
    – Mon mari se réserve le premier étage ; Janet occupe l’aile gauche, précisa Mrs. Moore en battant des cils.
     
    – Quand verrons-nous sir Christopher ? demanda Axel.
     
    – Dieu seul le sait, cher garçon ! Sir Christopher est l’homme le plus imprévisible qui soit au monde.
     
    Comme Axel semblait marquer quelque étonnement, Eliza l’entraîna devant un grand tableau qui représentait, sur une immense esplanade semée de bosquets, un long château de style Tudor, hérissé de tourelles, de clochetons, d’échauguettes. Festonnés de créneaux plus décoratifs que militaires, les toits en terrasse débordaient pour coiffer une galerie, libre interprétation du chemin de ronde médiéval. Sur les encorbellements germaient de prétentieuses gargouilles. Un porche tétrastyle monumental ouvrait sur une enfilade de cours et jardins étendus jusqu’à l’horizon.
     
    – Voici Pendlemoore, où nous irons plus tard, dit-elle à haute voix, pour être entendue des domestiques qui, déjà, montaient l’escalier.
     
    Puis elle ajouta, mezza voce :
     
    » Je te rejoindrai cette nuit. Ne fais pas cette tête, il n’y a aucun danger !
     

    Sir Christopher apparut deux jours plus tard, à l’heure du breakfeast qu’on prenait en famille, dans une petite salle à manger réservée à ce seul usage. Le maître de maison, grand, mince, souple, cheveux blonds tirant sur le roux, courts et ondulés, teint pâle, traits nets et d’une indéniable distinction, plut à Axel. Le jeune Vaudois reconnut chez le père de Janet les yeux rieurs de l’adolescente et la même voix mélodieuse. Plusieurs pierres précieuses, dont une énorme émeraude, attirèrent l’attention du garçon sur les mains de cet aristocrate désinvolte et charmeur. D’une finesse et d’une blancheur quasi féminines, les doigts aux ongles rosis de sir Christopher semblaient appartenir au règne végétal.
     
    Chantenoz trouva son hôte fort bel homme, racé, mais d’une affabilité conventionnelle, attentif par courtoisie plus que par intérêt aux propos des invités de sa femme. Le regard de Christopher et son sourire respectueusement dubitatifs révélaient un désintérêt atavique, non seulement pour l’opinion, mais pour la condition des gens étrangers à l’aristocratie.
     
    Axel éveilla cependant la sympathie du baronet et cela se traduisit par des attentions immédiates.
     
    – J’ose espérer que vous serez encore là pour la saison, aussi faut-il vous y préparer, dit avec autorité le mari d’Eliza.
     
    Dans son coupé de laque bleu marine, dont

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