Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
pauvres, ceux-là ne viennent pas jusque-là, mais les employés de banque ou de commerce de la cité – n’ont plus les moyens d’acheter. Il y a du chômage, provoqué par l’introduction dans les manufactures de la machine à vapeur. Des ateliers ferment leurs portes et les gens privés de travail, souffrant de la faim, commencent à gronder. Des meneurs, comme Henry Hunt et Watson, haranguent les foules affamées. Dans certaines villes, il y a eu des émeutes et la populace a pillé les boutiques des armuriers. L’armée a dû intervenir. On arrête des gens, mais ceux qui les ont incités à la révolte échappent souvent à la répression. Ainsi, Watson a réussi à passer en Amérique, déguisé en quaker !
     
    – Vous connaîtrez peut-être une révolution, dit Chantenoz.
     
    – Je ne crois pas. En Angleterre, les vraies révolutions sont silencieuses, et puis le peuple est apathique. Bien qu’on ait, dans bien des cas, réduit les appointements et salaires de ceux qui travaillent, alors que les prix des denrées et des objets augmentent, les Anglais ne songent pas à une révolte généralisée.
     
    – Cependant, ils protestent et manifestent parfois violemment, vous nous l’avez dit, rappela Martin.
     
    – Quand nous avons appris, lors du mariage de la princesse Charlotte, fille unique du régent et héritière présomptive du trône, avec le prince Léopold de Saxe-Cobourg, qu’une rente annuelle de soixante mille livres sterling avait été votée aux jeunes époux, des citoyens se sont indignés, mais beaucoup d’autres ont estimé qu’il était normal que les princes aient les moyens de vivre… comme des princes ! Alors qu’on ne peut pas faire rentrer les impôts ! conclut le journaliste en vidant sa chope de bière, dans laquelle il venait de verser une large rasade d’un alcool ambré nommé whisky.
     
    En quittant le pub, Chantenoz compléta l’information de son élève :
     
    – Cet homme, que retient sans doute devant des étrangers la fierté insulaire, ne dit pas tout, Axel. Les catholiques d’Irlande, qui ont adressé au gouvernement une pétition pour demander que leur code pénal soit modifié, ce qui ne leur est pas accordé, s’insurgent. Des troubles ont éclaté et M. Peel, secrétaire pour l’Irlande, a dû envoyer vingt-cinq mille soldats britanniques pour rétablir l’ordre. Le bruit court aussi que l’état du roi George III, qu’une maladie mentale a rendu incapable d’exercer le pouvoir depuis 1810, année où le prince de Galles avait été promu régent du royaume, s’aggrave. Victime de cinq accès de folie, le souverain, qui est aveugle depuis 1812, semble abandonné par les médecins.
     
    Le même soir, Axel Métaz, avec le bon aplomb vaudois dont il usait à l’occasion, interrogea lord Moore sur la maladie du roi. Comme la plupart des Anglais, Christopher répugnait à traiter ce sujet avec un étranger.
     
    – Le roi George est un souverain valeureux. On loue sa bonté, sa générosité, son courage, son ardeur au travail. Il a, autrefois, entrepris la guerre d’Amérique pour conserver les colonies à la Couronne. Mais il a perdu cette guerre, faite par des rebelles que les Français ont aidés. Les insurgents ont proclamé l’indépendance des colonies anglaises et fondé, en 1776, les États-Unis d’Amérique, république que certains disent exemplaire, parce qu’elle a depuis inscrit dans sa Constitution le droit utopique au bonheur pour tous les citoyens. Et cela a fait grand mal à George III.
     
    Sur le chapitre de la misère du peuple, Eliza et son mari étaient d’accord pour tenir les pauvres responsables de leur état et considérer que des démagogues illettrés tentaient de les exciter contre l’aristocratie.
     
    – Il s’agit d’une classe dangereuse, qui peut susciter des émeutes pour piller, surtout les dépôts d’alcool et de bière, car la plupart de ces gens sont des ivrognes et des paresseux, ajouta Janet.
     
    Il arrivait fréquemment qu’Axel restât une semaine sans voir lord Moore à Mayfair. Le baronet sortait l’après-midi et rentrait à l’aube. Le garçon finit par apprendre, de la bouche d’Eliza, que son époux fréquentait assidûment le club Watier, situé sur Piccadilly, à l’angle de Bolton Street. On y donnait des soirées musicales mais c’était surtout le rendez-vous des joueurs et le jeu attirait, retenait et coûtait fort cher à lord Moore.
     
    – Brummell y a

Weitere Kostenlose Bücher