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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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perdu de grosses sommes et, même si les membres du club ont donné, en juillet 1814, à Burlington House, une fête et un bal masqué en l’honneur de Wellington, c’est autant au joueur qu’au vainqueur de Waterloo qu’ils voulaient rendre hommage ! D’ailleurs, ce lord Byron que tu admires tant assistait à cette soirée ! dit, d’un ton acide, lady Elizabeth.
     
    Axel, maintenant initié aux manières du monde, apprit à danser avec le maître de Janet et fut conduit à son premier bal, chez des amis de ses hôtes, à Belgravia. Le garçon remarqua tout de suite que les hommes se montraient empressés autour de Mrs. Moore et semblaient lui faire la cour. Des compliments, parfois très appuyés, adressés à Eliza, des comportements familiers, qu’il prit comme séquelles d’anciennes intimités, lui déplurent. Comme il se devait de faire danser Janet et plusieurs dames ou jeunes filles, il prit l’occasion d’un aparté pour interdire à sa maîtresse de valser avec un autre que lui. Cette danse à deux, importée d’Allemagne et mise à la mode après la Révolution française, avait traversé la Manche avec des Autrichiens. Elle donnait lieu à un enlacement qu’Axel, comme les puritains du xvi e  siècle, trouvait soudain indécent.
     
    Mrs. Moore parut retirer de cette interdiction une satisfaction secrète et assura qu’elle s’y conformerait quand un homme, qu’elle semblait bien connaître, approcha et l’invita à danser à l’instant où l’orchestre attaquait une valse.
     
    – Non, mon ami, dit-elle en prenant le bras d’Axel, mon amoureux me l’interdit.
     
    L’homme parut d’abord étonné, puis, toisant Axel, s’esclaffa :
     
    – Quoi ! Mais c’est un gamin !
     
    – Croyez-vous ? roucoula Eliza en entraînant son jeune amant qui, déjà, serrait les poings.
     
    – C’est un raseur, ses mains moites graissent la soie des robes ! Et puis je suis prête à t’obéir en tout. Nous allons bientôt rentrer, conclut-elle avec un battement de cils, qu’Axel savait depuis longtemps interpréter.
     

    Le 18 juin 1817, Axel et son précepteur purent assister grâce à leurs hôtes à l’inauguration du pont de Waterloo, construit par John Rennie, sur les plans de l’architecte Ralph Dodd. Bien que la première pierre de cet ouvrage eût été posée le 11 octobre 1811, les Anglais avaient tenu à en faire un symbole de leur victoire sur Napoléon. Cette cérémonie marquait, en effet, le deuxième anniversaire de la défaite française. Axel, bien que suisse et tout en admirant l’ouvrage qui enjambait la Tamise sur quatre cents mètres grâce à neuf arches elliptiques, souffrit, ce jour-là, de l’outrecuidance britannique.
     
    Chantenoz partagea son agacement et, dès le lendemain, il révéla à son élève que les Anglais, insulaires et nationalistes, ne dédaignaient pas, dans de nombreux domaines et depuis le xvi e  siècle, de faire appel à des Helvètes.
     
    Il rappela d’abord, puisqu’il avait été question de pont, que c’était un natif de Vevey, l’ingénieur Charles-Paul Dangeau de La Beyle, qui avait construit, entre 1738 et 1750, celui de Westminster et dessiné les plans du nouveau Saint James Palace.
     
    – Je pourrais te citer aussi cent pasteurs vaudois qui ont officié ou officient encore dans les temples d’Angleterre. Parmi ceux du passé, Paschoud, Calame, Tacheron, Boisot, Vallotton, Tavan, David Levade, qui revint enseigner la théologie à l’Académie de Lausanne, Jean-François Miéville, qui fut pasteur à Canterbury en 1789, et tant d’autres. Et puis, aussi, des précepteurs, des professeurs, des hommes de lettres, qui traduisirent les auteurs anglais, comme Monod, qui nous fit connaître Richardson ; des juristes, comme Charles-Victor de Bonstetten ; des médecins, comme Jacques-Daniel Veillard, qui, après avoir servi dans la marine britannique, revint s’établir à La Tour-de-Peilz en 1763.
     
    – Et les horlogers ? demanda Axel.
     
    – Il me vient à la mémoire Ferdinand Berthoud, Recordon, inventeur de la montre à secousse, Josias Émery, horloger de Chardonne, Henri-Louis Jacquet-Droz, qui fabriquait des automates. Et puis les artistes de chez nous furent aussi nombreux à traverser la Manche, peintres, graveurs, émailleurs… et notre fameux aquarelliste veveysan, Michel-Vincent Brandouin, dont ta défunte tante Mathilde possédait des œuvres.
     
    – Nous aurions pu coloniser

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