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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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entendre. Elle avait même dit qu’elle verrait bien sa fille épouser un Suisse. C’est pourquoi nous te laissions assez libre de faire des visites aux dames Moore. Mrs. Moore parlait de toi en termes chaleureux. Et, pendant ton séjour à Londres, elle m’a même écrit que son mari te tenait en bonne estime, t’offrait des cadeaux, t’initiait à la vie de gentleman et qu’il ne ferait certainement pas d’objection si tu sollicitais, un jour, la main de sa fille… unique ! Crois-moi, ce genre de pensées a souvent occupé mon esprit. Ça m’a même fait rêver. La fille d’un lord, d’un baronet, qui a ses entrées chez le roi et chez les princes ! Je te montrerai la lettre de Mrs. Moore. Il n’y a pas de secret…
     
    Axel sourit. La vanité de sa mère et ses naïves ambitions l’irritaient, mais il jugea charitable de ne pas la décevoir dans l’immédiat.
     
    Guillaume intervint, avec son bon sens habituel, pour dire qu’un tel débat paraissait singulièrement prématuré.
     
    – Notre garçon est bien jeune pour parler d’un futur mariage. Il faut qu’il profite un peu de la vie, pas vrai, gamin ; qu’il voyage, apprenne à connaître cette Europe qui, d’après Blanchod, finira bien par se faire. Et qu’il se prépare ainsi à prendre une position dans mes affaires ! Car on peut épouser une femme bien dotée, dit-il en jetant un regard tendre vers celle qui lui avait apporté les chantiers navals et les carrières de Meillerie, mais un honnête mari ne doit pas vivre des revenus de son épouse ! Et puis cette Janet ne m’a pas l’air bien robuste. Je ne l’ai jamais vue que pâle comme un navet. Elle est mignonne et distinguée, d’accord, mais elle a les épaules étroites et sa mère est un peu mijaurée, non ?
     
    Comme M me  Métaz percevait chez son fils une certaine réticence à parler de ses relations avec Janet, dont il affirmait qu’elle ne lui était rien plus qu’une bonne camarade, Charlotte revint à la charge :
     
    – Ne me fais pas croire que tu ne contais pas fleurette à cette petite, qu’elle ne t’y encourageait pas ? À ton âge, ce sont des choses…
     
    – Non, maman ! coupa Axel.
     
    Cette fois, le ton fut plus catégorique.
     
    Bien que surprise par la vivacité de la réaction de son fils, Charlotte ne s’avoua pas vaincue.
     
    – Les Moore m’ont promis de venir, dans deux ans, pour la fête des Vignerons, qui doit être plus belle que toutes celles qui l’ont précédée. D’ailleurs, ton père fait maintenant partie du Conseil de la Confrérie, ajouta-t-elle.
     
    Le fait que Guillaume Métaz fût un des responsables de l’organisation semblait garantir, d’avance, un succès sans précédent pour une fête qui était organisée, de loin en loin, depuis la fondation, en 1647, de la Louable Confrérie des Vignerons de Vevey.
     
    – J’imagine, conclut Charlotte, que tu seras heureux de revoir Janet car, si je comprends ta discrétion, je me doute bien aussi – une mère sent cela – que cette jolie jeune fille ne t’a pas laissé, quoi que tu dises aujourd’hui, indifférent.
     
    – Cesse de taquiner Axel, Charlotte. Il est tellement content de revoir son lac et ses montagnes que la brumeuse Angleterre et les jolies Anglaises… de tout âge méritent d’être oubliées un moment, intervint Chantenoz.
     
    Martin avait raison. Si Axel était heureux de retrouver les siens, ses amies Nadine et Nadette, ses camarades, il était encore plus satisfait de revoir le décor de sa ville. Vevey embellissait chaque année. Les anciens remparts qui gênaient son expansion tombaient les uns après les autres, des maisons neuves remplaçaient les masures du temps des baillis. Le conseil municipal ne perdait jamais une occasion d’élargir une rue, de dégager une placette, d’inaugurer une fontaine.
     
    Presque chaque soir, depuis son retour, Axel s’en allait, au crépuscule, marcher seul sur la berge du lac jusqu’à La Tour-de-Peilz. Le Jardin des gourmandises de Tignasse lui paraissait maintenant une petite boutique sans mystère. La nouvelle épicière avait fait repeindre la devanture, mais elle avait conservé l’enseigne. Quand, dans la tiédeur du crépuscule, le profil noir des montagnes de Savoie prenait, sur le ciel indigo, qui paraissait beaucoup plus éloigné de la terre qu’en Angleterre, l’aspect d’un découpage plaqué, il regagnait Rive-Reine avec la sensation d’avoir déjà vécu une

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