Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
longue vie.
     
    Moins de dix mois s’étaient écoulés depuis son départ, mais tant d’événements avaient surgi et tant d’expériences lui avaient été offertes ou imposées qu’il se sentait bien différent du garçon amoureux de la dame anglaise des Trois-Couronnes. « Jamais les choses ne seront plus comme avant et j’ai tout appris d’un coup. Que me reste-t-il à découvrir de la vie ? » se demandait-il, avec le touchant désenchantement de l’adolescent qui se croit blasé. À ces ruminations, Chantenoz répliquait par une boutade anglaise : «  In love two is one ; the question is which one 1  ! »
     
    Au cours d’une partie de pêche avec les Ruty, Axel trouva Nadine et Nadette embellies, presque femmes. Elles lui apprirent qu’elles allaient se fiancer aux vendanges et se marier en août 1819, après la fête des Vignerons.
     
    Bien qu’il n’eût jamais pensé épouser un jour l’une ou l’autre des jumelles, le jeune Métaz ressentit comme une trahison le fait qu’elles ne se disent plus à l’unisson, même en manière de plaisanterie, amoureuses de lui. Quand elles lui présentèrent leurs futurs maris, bons gars du pays, fils l’un de vigneron, l’autre d’un greffier du tribunal, qu’elles mignotaient en sa présence, avec des regards mouillés qui en disaient long sur l’impatience sexuelle des jumelles, Axel espaça ses relations avec les fiancés.
     
    Après l’amère déception causée par Elizabeth, dont il se persuadait qu’elle resterait le seul amour, la seule passion de sa vie, l’attitude de ses amies d’enfance augmenta la méfiance que lui inspiraient maintenant les femmes. Dans le carnet noir, et bien que cela fût injustifié, il ajouta les noms des demoiselles Ruty en stipulant que sa vengeance, le jour venu, ne pourrait qu’être infligée sous la forme d’une piqûre d’amour-propre.
     

    Axel se réadapta vite au rythme veveysan. Sur les conseils de Chantenoz, il s’inscrivit à l’Académie de Lausanne pour suivre les cours de droit. M me  Métaz lui aménagea une chambre « chez Mathilde », où elle-même séjournait souvent, dans le décor à peine modifié où avait vécu sa défunte tante. Comme tous les étudiants, Axel, au cours des premiers mois de liberté, fit un peu la fête. Mais il n’évoluait pas avec aisance dans le cercle des fils de bourgeois promis aux belles carrières. Il s’ennuyait dans les tavernes, boire le rendait malade. Il trouvait stupide de brailler, la nuit dans les rues, des chansons grivoises jusqu’à ce que les Lausannois, tirés du sommeil, jettent par les fenêtres le contenu de leurs pots de chambre sur les trublions. Ses condisciples, souvent plus âgés que lui, considéraient encore comme un exploit de pincer la taille ou de voler un baiser à une servante. Les plus délurés ne connaissaient de l’amour que les étreintes sommaires et vénales des quelques prostituées locales dont ils évoquaient et comparaient les appas usés comme s’il se fût agi de ceux des Grâces ! Conscient d’avoir plus vécu que tous ses camarades, Axel abordait les êtres et les choses d’une façon différente et, comme le lui avait un jour prédit Chantenoz, son confident des fins de semaine, il se sentait étranger dans le milieu estudiantin et même, depuis son retour d’Angleterre, parmi les siens.
     
    Aux vendanges 1817, il fut heureux, en revanche, de participer aux travaux comme aux réjouissances. Il eut conscience de retrouver ses propres marques et cette bonne santé morale dévolue aux travailleurs de la terre, simples et francs. C’était d’ailleurs à Belle-Ombre, sur la terrasse qui dominait le lac, qu’Axel aimait se réfugier pour lire, méditer et se remémorer son récent passé.
     
    Au cours du traditionnel banquet des vendangeurs, Charlotte Métaz parut soudain retrouver, elle aussi, le plaisir de vivre. On la vit arborer de nouvelles toilettes, sourire d’un rien, plaisanter, danser avec son fils. Guillaume mit cela sur le compte de la réussite d’Axel à ses examens, de l’abondance et de la qualité de la récolte, du retour de la prospérité qui effaçait, peu à peu, les mauvais souvenirs de la disette de l’hiver précédent. Seule Flora Baldini connaissait la vraie raison de cette heureuse renaissance : le général Fontsalte était de retour.
     
    L’officier, arrivé fin septembre, s’était, sur les conseils de Charlotte, installé à Morges. M me  Métaz

Weitere Kostenlose Bücher