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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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maintenant ! Va dans ta chambre. Prépare-toi et trouve ce qu’il faut dire à Janet. Moi, je vais aller voir si Chantenoz est rentré.
     
    Surprise par l’autorité soudaine de ce garçon, Mrs. Moore se leva, croisa négligemment les pans de son déshabillé et noua la ceinture.
     
    – Embrasse-moi tout de même, exigea-t-elle.
     
    Il s’exécuta mais refusa de prolonger son baiser, se dirigea vers la porte et l’ouvrit.
     
    En voyant Janet suffocante, appuyée au chambranle, la phrase de Chantenoz lui traversa l’esprit. « Voilà que les choses, d’elles-mêmes, se résolvent », se dit-il incongrûment, dans un éclair. Janet avait entendu, elle aussi, une conversation inimaginable. Elle poussa un cri en voyant sa mère en déshabillé béant près d’Axel et s’enfuit en courant. Elle allait disparaître dans l’escalier quand, du palier, sa voix parvint au couple :
     
    – Je n’ai plus qu’à mourir ! cria-t-elle.
     
    Puis elle dévala les marches en courant. Eliza, pétrifiée, au bord de la suffocation, saisit le bras d’Axel. Le grincement de la lourde porte du hall la tira brusquement de cette défaillance. Axel sentit les ongles de sa maîtresse lui entrer dans la chair.
     
    – Vite, Axel, rattrape-la ! rattrape-la ! Empêche-la… La rivière…, l’étang… Je ne sais, va, cours !
     
    Avant qu’Eliza n’eût terminé sa supplique, Axel se jetait à son tour dans l’escalier. En traversant le hall, il vit de la lumière dans le cabinet de travail et se demanda sans ralentir sa course si sir Christopher avait conscience de ce qui se passait sous son toit.
     
    La nuit claire permit au garçon de repérer tout de suite la forme blanche qui, tel un feu follet, glissait en zigzaguant loin devant lui sur une allée. Janet se dirigeait vers l’étang. Il allongea sa foulée et ne se trouvait plus qu’à vingt pas de la jeune fille quand celle-ci s’engagea sur le ponton. Les planches gémirent à peine sous les pieds nus de la légère Janet. Le heurt de son corps dans l’eau prit en revanche, dans la nuit, la sonorité d’un coup de cymbale. Axel plongea sans hésiter, saisit la jeune fille en lui maintenant la tête hors de l’eau, comme le lui avait enseigné Pierre Valeyres, et la ramena sur la berge.
     
    Étendue sur l’herbe, Janet grelottait malgré la tiédeur de la nuit d’août. La chemise de nuit collée au corps, elle se taisait, hagarde, refusant de répondre aux objurgations d’Axel. En d’autres circonstances, il eût trouvé désirable cette fille mince, dont les petits seins pointus tendaient la batiste mouillée. Renonçant à parler, il la souleva et Janet, sanglotante, en un geste impulsif, sorte d’appel désespéré à la force protectrice, lui passa les bras autour du cou. Ils revinrent sans un mot vers le château. Eliza attendait sous le porche, avec une femme de chambre et un valet portant une lanterne.
     
    Quand Janet fut déposée dans sa chambre, séchée, frictionnée, bordée dans le lit bassiné par sa femme de chambre qui sanglotait, Axel se retira, pour aller se changer. Au moment où il quittait, rassuré, le chevet de la jeune fille, une phrase d’Elizabeth lui dicta subitement sa détermination :
     
    – Les jeunes gens ont parfois de drôles d’idées, n’est-ce pas ! Ces deux-là ont voulu se baigner à minuit… Janet aura sûrement un rhume !
     
    Ainsi, une fois de plus, avec aplomb, Mrs. Moore travestissait les faits, transformait le drame qui eût pu coûter la vie de sa fille en un banal caprice d’amoureux, s’en tirait par une pirouette mondaine. Ce cynisme avéré dessilla complètement Axel. Quand Eliza quitta la chambre de Janet, elle marqua un instant d’étonnement en se heurtant au garçon.
     
    – Viens, que je te frictionne, tu dois avoir froid, dit-elle, naturelle et tendre.
     
    – Je suis glacé, en effet, dit-il durement, et il la gifla.
     
    Avant qu’Eliza, titubante, fût revenue du choc, Axel dévalait l’escalier. Il lui restait une autre affaire à régler. Il entra sans frapper dans le cabinet de travail de lord Moore. Le baronet, assis à son bureau, lui sourit.
     
    – J’attendais votre visite, mon jeune ami, dit le lord, souriant.
     
    – Voulez-vous m’accompagner jusqu’à la salle d’armes, j’ai à vous demander raison de certaines paroles, dit Axel.
     
    – Allons, allons, pas de tragédie, jeune homme. Et puis je ne croise pas l’épée avec un paysan !

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