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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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jumeaux.
     
    Guillaume se retint de répondre qu’il se moquait de la généalogie du soudard comme de sa première bouteille de dézaley. Il désigna la porte à Blaise, qui sortit sans un mot.
     

    À l’heure du dîner, Guillaume rejoignit ses enfants. Blandine, qu’il avait dès le matin mise au courant de la situation et de la proscription de l’épouse infidèle, se mit à pleurer en revoyant son père. Ses sanglots redoublèrent quand elle constata, en même temps qu’Axel, les changements déjà survenus dans la maison. Guillaume avait fait enlever de la salle à manger la grande table rectangulaire et l’avait remplacée par une table ronde. Ainsi, les trois convives formaient un cercle. Pour tout commentaire, M. Métaz pria énergiquement sa fille de sécher ses pleurs.
     
    – Je n’aime pas les chaises vides et les couverts inutiles ! ajouta-t-il.
     
    À la fin du repas, il réclama du café, ce qui n’était pas dans ses habitudes, et recula sa chaise de la table.
     
    – Maintenant, j’ai besoin de savoir ce que vous souhaitez l’un et l’autre. J’ai décidé, après ce qui vient d’arriver, de quitter mes affaires dans ce pays et de partir pour l’Amérique. J’ai des amis veveysans qui ont fondé, dans l’Ohio, une petite colonie fort prospère, d’après ce qu’ils écrivent. Là-bas, je me referai une vie, peut-être une fortune. Et puis M. Albert Gallatin, un Genevois, qui est devenu, à Washington, secrétaire au Trésor, quelque chose comme ministre des Finances, est en ce moment en visite dans sa famille, à Genève. Nous avons des amis communs : par lui, j’aurai certainement de bonnes introductions. On m’a dit qu’il a négocié le paiement de la Louisiane par les Américains en 1803.
     
    – Tu veux partir… pour toujours ? demanda Blandine, interloquée.
     
    – Il y a deux mots qu’un simple mortel ne doit pas prononcer : jamais et toujours. Ce sont des mots qui n’appartiennent qu’à Dieu, Blandine ! La seule chose dont nous puissions être sûrs, c’est la mort ! Voulez-vous venir avec moi en Amérique ? Telle est ma question. Ne répondez pas tout de suite, réfléchissez. Nous en reparlerons plus tard. Sachez qu’il existe en Nouvelle-Angleterre de très bonnes institutions pour l’éducation des jeunes filles ; quant à toi, Axel, qui parles anglais couramment, tu trouverais à Boston la meilleure université des États-Unis.
     
    – Maman acceptera-t-elle de quitter Vevey ? risqua naïvement Blandine.
     
    – Il est hors de question qu’elle vienne avec nous. Tu dois comprendre, après ce qui s’est passé, qu’il s’agit entre elle et moi d’une rupture définitive. Un avocat de Lausanne obtiendra le divorce et, si Charlotte reste votre maman, elle n’est déjà plus mon épouse. Je vous propose de m’accompagner en Amérique pour construire une nouvelle vie, mais, si vous tenez à rester avec votre mère, celle-ci aura à vous entretenir. Je quitte définitivement ce pays.
     
    – Et notre maison… faudra la laisser ? larmoya Blandine.
     
    – Cette maison fait partie de la dot de ta mère, comme une part des carrières de Meillerie. Vous n’aurez rien à changer, je pense, à votre vie.
     
    – Sinon, qu’on n’ vous verra plus…, sanglota Blandine.
     
    Guillaume ignora l’interruption.
     
    – Quant à l’avenir d’Axel, il est tout tracé : il reprendra toutes les affaires quand il aura terminé ses études. Seulement, il serait bon qu’il voyageât pendant quelques semaines, voire quelques mois, si ça lui plaît, jusqu’à ce que les commères soient fatiguées de ragoter sur le scandale Métaz. Moi, je vais mettre la fin de l’année à profit pour régler certaines affaires et organiser mon départ. Car ce n’est pas rien de partir pour l’Amérique ! Réfléchissez, mais assez vite, et rendez-moi chacun votre réponse.
     
    Le lendemain matin, à l’heure du premier repas, Blandine, qui s’était interrogée toute la nuit, entre deux crises de larmes et deux accès d’exaltation, déclara, sans hésiter, ce qui surprit Axel, qu’elle s’en irait en Amérique avec son père. Elle avait connu en pension plusieurs jeunes filles américaines et tenait ce pays pour une sorte d’Eldorado. Tout en buvant son chocolat, elle se mit à regarder Axel comme si elle ne l’avait jamais vu.
     
    – En somme, tes yeux sont ceux d’un autre homme que papa !
     
    – Il semble, fit

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