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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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faisaient les bagages. La chambre de Blandine était obscure et silencieuse. Elle, au moins, qui avait dansé longtemps au bal du syndic, dormait, sans doute dans l’ignorance de ce qui s’était passé.
     
    Au petit matin, un roulement sur le pavé de la cour tira Axel de son lit. Dans l’aube limpide, il vit Charlotte monter en voiture. Guillaume, qui n’avait pas dû se coucher car il portait encore le gilet noir et la chemise blanche de la veille, l’accompagnait. Il abaissa le marchepied et aida sa femme à prendre place dans le coupé. Ils n’échangèrent que peu de paroles, à voix basse, sans doute à cause du cocher.
     
    Malgré sa honte d’avoir été découverte après tant d’années, de se voir éloignée de ses enfants et de sa maison, son étrange liaison avec Blaise de Fontsalte restait la grande affaire de la vie de Charlotte. Elle ordonna à Pierre Valeyres de la conduire chez M lle  Baldini.
     
    – J’ai une petite malle à prendre. Venez avec moi, Pierre.
     
    – Bigre, c’est lourd comme de l’argenterie, fit le vieux bacouni.
     
    Les reliefs de la passion de Charlotte et de Blaise s’évaluaient au poids du papier !
     
    Le coupé avait à peine franchi le pont sur la Veveyse que la proscrite se mit à examiner avec calme sa situation. D’abord, elle ne regrettait rien. La seule chose qui la préoccupât pour l’instant était de savoir si la ville allait jaser et prononcer à son encontre une condamnation sociale et mondaine sans appel ou si elle pourrait, dans quelque temps, y revenir tête haute. Ses intérêts personnels dans les affaires de bateaux et les carrières de Meillerie, sa vigne de Belle-Ombre lui assureraient, avec les biens laissés par Mathilde, de bons revenus. La souciait aussi la manière dont sa mère prendrait la chose, si Guillaume demandait le divorce, comme il fallait s’y attendre. En tant que catholique, M me  veuve Rudmeyer était aussi rigoriste que son gendre huguenot. Dans la circonstance, elle pourrait fort bien donner raison à Guillaume et répudier sa fille.
     
    Quant au sort de Blaise de Fontsalte dans le présent épisode, elle ne s’en souciait guère. Guillaume, réaliste et maître de lui, se garderait, comme il l’avait dit, de demander réparation par les armes. On ne voyait ce genre d’affrontement que dans les romans. Charlotte avait déjà compris que Guillaume traiterait ce drame comme une faillite en s’efforçant de sauvegarder tout ce qui lui serait utile, sans tenir compte des sentiments des autres ni même des siens. Le coupé n’avait pas dépassé Rivaz qu’elle estimait que la situation humiliante où elle se trouvait offrait au moins une compensation : la liberté.
     
    Tandis que M me  Métaz roulait vers Lausanne, son fils courait chez Chantenoz. La logeuse de Martin apprit au garçon que M. Chantenoz avait quitté la maison.
     
    – Toute la nuit, il a fait un vrai remue-ménage. Il a emballé ses affaires, ses livres et ses écritures et, à l’aube, il est allé réveiller le marchand de bois. L’homme est venu avec son grand char. Ils ont chargé des malles et des tas de paquets et puis… fouette cocher… ils sont partis par la route de Villeneuve. Mais M. Chantenoz ne m’a pas dit où il allait.
     
    – Il ne vous a rien dit ! s’étonna Axel.
     
    – Non, mais il m’a griffonné ce bout de papier pour vous. Il m’a dit : « Vous le donnerez au fils Métaz, s’il vient », alors, voilà. C’est pas grand-chose, à mon avis, en tout cas pas une adresse, précisa la femme, qui avait lu le billet.
     
    Axel s’éloigna et lut : « Adieu Axou ! J’ai tué mon albatros. » Cette allusion à la Chanson du vieux marin , de Coleridge, Axel en comprit aussitôt le sens. La brutale dénonciation de Chantenoz avait été pour lui le moyen de se débarrasser, comme le vieux matelot de la légende, d’un cauchemar ou d’un rêve qui le torturait. Axel savait que Martin avait été autrefois amoureux de sa mère.
     

    En bon huguenot, Guillaume Métaz demandait souvent à sa bible conseil ou inspiration. Dans son désarroi, la nuit précédente, il avait pris le livre, qui s’était ouvert au chapitre des proverbes de Siracide 5 . Il répéta à Simon Blanchod, convoqué tôt à Rive-Reine, ce qu’il avait lu.
     
    – « La femme qui est infidèle à son mari et lui donne un héritier conçu d’un autre homme a désobéi à la loi du Dieu Très-Haut. Ensuite, elle a causé du

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