Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
chasselas est la base de tout. Il en existerait une centaine de variétés. Le fendant, qui s’est bien adapté à notre climat, donne le vin blanc que vous venez de boire.
     
    – Ainsi résumée, l’aventure de la vigne paraît simple, concéda Fontsalte.
     
    – La vigne en elle-même, telle que Dieu nous l’a donnée, est simple, monsieur ; ce sont les soins qu’elle réclame pour produire le raisin qui sont compliqués et fatigants, surtout sur nos pentes. Il faut savoir qu’il y a peu de terre sur le roc. Au mieux, six ou neuf pieds d’épaisseur, sur les coteaux de Lavaux. C’est pour retenir cette mince couche, prête à glisser, que les anciens ont eu l’idée de bâtir des murs de soutènement solides, dont les fondations reposent toujours sur le roc, où qu’il se trouve, ce qui donne des formes irrégulières aux parchets. Dans le Dézaley, ces sortes de terrasses n’ont guère plus de vingt-quatre à trente pieds de largeur. Les plus grandes peuvent atteindre soixante pieds et, comme les ceps sont maintenant plantés à trois pieds de distance, et non plus en quinconce comme autrefois, vous voyez que chaque vigne n’a rien d’un domaine bourguignon !
     
    – C’est bien pourquoi les propriétaires ne pensent qu’à marier leur fils à la fille du vigneron voisin. Pour augmenter le nombre de parchets patrimoniaux. Ici, la vigne est une dot, comme la vache chez les Africains ! commenta, goguenard, Martin Chantenoz.
     
    Blaise de Fontsalte comprit, au pincement de lèvres de M me  Métaz et au sourire esquissé de Flora Baldini, que la phrase contenait une allusion réservée aux membres du clan.
     
    Le vigneron s’empressa de poursuivre son exposé :
     
    – De surcroît, notre pauvre couche de terre fertile est mêlée de cailloux, qu’on doit enlever et transporter à dos d’homme. Et puis il faut la nourrir de fumier naturel. Mais notre chance, c’est d’avoir deux soleils…
     
    – Deux soleils !
     
    – Oui, celui qui brille pour tout le monde et puis le nôtre, qui sort du lac. Le lac est un puissant réflecteur. L’été, il renvoie sur le vignoble la lumière et la chaleur du soleil, ce qui fait mûrir le raisin. C’est aussi un réservoir de chaleur qui atténue les rigueurs de l’hiver, car l’eau refroidit moins vite que la terre. Grâce à Dieu et à la nature, chaque fermier a son carré de vigne et fait son vin pour la consommation de la famille. Ceux qui produisent plus que leurs besoins vendent le surplus aux pintes 2 de la ville ou des villages. C’est un appoint d’argent, que les femmes s’empressent de dépenser pour s’offrir des bas de soie !
     
    – Et les hommes donc ! Se privent-ils de tabac et de liqueur ? lança Flora Baldini.
     
    – Ta sœur, l’épicière de La Tour-de-Peilz, ne s’en plaint pas ! rétorqua Chantenoz.
     
    – Mais M. Métaz n’est pas fermier et vous ne buvez pas tout le vin de vos vignes, j’imagine, risqua Fontsalte, qui brûlait d’en savoir plus sur cette famille.
     
    Cette fois, Charlotte Métaz prit les devants :
     
    – Nous avons plusieurs vignobles et nous faisons commerce de notre vin. Mon mari livre des barriques à Lausanne, à Genève et même en Savoie, par le lac. Nos charretiers en portent jusqu’à Bienne et Soleure, où les tonneaux sont embarqués sur des bateaux qui remontent l’Aar jusqu’à Berne. Cela prend trois jours pour aller d’ici à Soleure.
     
    – Vous pensez bien que, pendant le voyage, les barriques ont des fuites… au bénéfice des charretiers. C’est pourquoi nous disons de quelqu’un qui a trop bu : « il est sur Soleure » ; tout le monde comprend ! ajouta Blanchod en allant jeter une bûche dans la cheminée.
     
    Comme la conversation menaçait de tomber, Martin Chantenoz la relança :
     
    – Nous sommes tous à parler vigne et vin, alors que le capitaine est en partance pour la guerre. C’est un sujet bien autrement sérieux, ne crois-tu pas, Charlotte ?
     
    L’interpellée approuva et dit combien elle regrettait l’absence de son mari, qui eût aimé s’entretenir de la situation actuelle avec l’officier. M me  Métaz était assez indifférente aux événements militaires en cours, aussi bien qu’à la politique. Elle évoqua cependant ce que Blaise prit comme le point de vue de Guillaume Métaz résumé par son épouse. Pour les Vaudois engagés dans les affaires, la guerre constituait une nouvelle entrave à l’industrie

Weitere Kostenlose Bücher