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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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sabre, dut choisir entre une tasse de café, un petit verre de marc ou « tout simplement du vin blanc de Belle-Ombre, unique boisson de Blanchod depuis un demi-siècle », proposa plaisamment l’hôtesse. Blaise de Fontsalte opta pour le vin blanc, ajoutant qu’il en avait bu d’excellent, le matin même, à Saint-Saphorin.
     
    – Vous allez goûter le nôtre. Et vous verrez, c’est autre chose, dit Blanchod en tendant un verre.
     
    Bien conscient qu’il fallait, pour plaire au vieil intendant des Métaz, déguster avec componction le jus de ses treilles, Blaise commença par mirer le vin à la lueur des bûches, puis en but une gorgée, en y mettant le sérieux et la lenteur convenables. Il déclara le vin de Belle-Ombre supérieur à tous ceux qu’il avait dégustés jusque-là, ce qui lui valut une discrète manifestation de reconnaissance.
     
    Comme Blaise s’étonnait que la vigne pût accorder autant de faveur aux hommes, dans un pays de montagne, où sa culture exigeait une lutte incessante contre le relief et les intempéries, Blanchod, né dans le vignoble et rompu depuis l’enfance aux exigences de la viticulture, se lança dans un véritable cours.
     
    – Ah ! puisque vous semblez vous intéresser à nos travaux, monsieur…
     
    – Attention, il tient son sujet, le père Blanchod ! Son savoir en matière de cépages est encyclopédique, capitaine ! Il fera jour avant qu’il ait terminé ! coupa le fumeur de pipe.
     
    – Tais-toi, Martin, laisse dire Simon. Il est au moins aussi poète que toi, dit Flora Baldini.
     
    Le vigneron, que n’avait pas troublé l’interruption, attendit le retour au silence.
     
    – Si j’ennuie Monsieur l’Officier, il saura bien me le dire, n’est-ce pas ? Mais je devine qu’il aime s’instruire puisqu’il a soulevé une question que posent peu d’étrangers. Ceux-ci boivent notre vin comme de la petite bière, sans même se demander comment il est venu dans leur verre ! Pas vrai !
     
    – J’aime apprendre, en effet, comment des hommes entreprenants, tirant parti de ce que leur offre la nature, s’en font, à force d’intelligence, d’initiatives et de travail, une prospérité et une réputation. Alors, dites-moi, monsieur, comment cela a commencé sur vos coteaux !
     
    L’encouragement donné au vigneron amena un sourire ironique sur les lèvres de Chantenoz, mais M me  Métaz empêcha, d’un regard, son ami de reprendre la parole. D’un signe de tête, en revanche, elle invita Blanchod à continuer. « Ce bout de femme ne manque pas d’autorité », pensa Blaise, tandis que l’intendant reprenait son discours.
     
    – L’origine de nos vignes est romaine, monsieur, comme celle de votre vignoble de Bourgogne, j’imagine. On raconte, en effet, mais cela n’est point prouvé par les annales, qu’un jeune homme de Lavaux fut autrefois emmené comme esclave en Italie par des légionnaires romains. Il eut la chance de tomber sur un bon maître qui possédait des vignes et, rendu à la liberté, rapporta chez nous quelques ceps, qu’il planta dans la bonne terre vaudoise.
     
    – Légende, légende ! Les Vaudois n’ont pas attendu les Romains pour planter la vigne et… se saouler, dit Chantenoz.
     
    – Légende ? Peut-être, mais ce dont nous sommes sûrs, en revanche, c’est que les ecclésiastiques du chapitre de Vevey possédaient déjà, en l’an mille, trente et une vignes sur nos coteaux et que les cisterciens du monastère d’Oron plantèrent, en 1141, les premières vignes de Lavaux, au Dézaley. Depuis ce temps, la culture s’est perfectionnée grâce, en partie, aux agriculteurs huguenots, chassés du Languedoc et du Dauphiné, qui apprirent aux vignerons vaudois de nouveaux procédés de culture et de vinification. Mes ancêtres en étaient, monsieur, qui venaient de l’autre côté du lac. Ainsi, au fil des ans, les gens renoncèrent au provignage qui consistait à repiquer le bout d’un sarment dans la terre où il prenait racine et que l’on coupait afin qu’il se redressât pour donner, à proximité du pied mère, un nouveau cep. Cela faisait des vignes qui étaient de vraies broussailles. Maintenant, on plante des chapons, des boutures de vigne, et cela nous assure de beaux alignements de ceps. La nouveauté qui promet, c’est la culture en gobelet, qui consiste à lier à la paille les sarments autour du cep. Et puis les vignerons ont appris à sélectionner les cépages. Le

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