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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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régime renforçait l’audace des royalistes quand Flora Baldini, qui s’était tue jusque-là, prit la parole :
     
    – Pardonnez-moi, capitaine, de vous dire ça tout à trac, mais je tiens M. Bonaparte pour un ambitieux, qui veut faire de l’Italie une colonie de la France et asservir l’Europe ! Les soldats français qui, depuis trois ans, circulent dans notre canton se conduisent comme en pays conquis. Il paraît qu’ils élisent leurs officiers, ce qui explique que ces derniers soient impuissants à faire régner la moindre discipline. Ce sont des brutes, des soudards qui ne pensent qu’à piller, boire et violer les femmes ! Peut-être trouverez-vous ici peu de gens qui oseront vous dire ces choses. Moi, je ne crains pas de le faire !
     
    M me  Métaz, l’œil agrandi par la stupéfaction, ne trouva rien à dire ; Chantenoz toussota en s’absorbant dans le nettoyage de sa pipe et Blanchod se leva pour remplir le verre de Blaise. Ce dernier prit un instant de réflexion, tous les assistants ayant compris qu’il ne pouvait laisser pareille attaque sans réplique.
     
    – Votre franchise me plaît, dit-il, et personne n’est mieux placé que moi pour savoir la détestable façon de se conduire qu’ont eue, par le passé, certains militaires français, même des officiers de haut rang. Je pense, par exemple, au général Xaintrailles, qui devra répondre des vols et détournements commis à Vevey et dans le Valais. Car sachez, madame, que les coupables, quand on les trouve, sont jugés et exécutés. Sachez aussi que le général Bonaparte n’a pour seul but que d’apporter le bonheur aux peuples. Pour cela, il doit, hélas, faire la guerre aux tyrans qui, comme l’empereur d’Autriche, refusent la paix et privent leurs sujets des libertés élémentaires.
     
    Flora affichait une moue traduisant son incrédulité et Fontsalte choisit de dévier la conversation.
     
    » Vous traitez les Français de soudards et de gens sans aveu, mais certaines de vos compatriotes, fort honorables, les trouvent assez bons pour s’en faire des maris ! Voulez-vous un exemple, qui est aussi une belle histoire d’amour ? Elle a commencé ici même, à Vevey, en 98.
     
    – Oh ! oui, racontez, racontez ! Nous aimons tous les histoires d’amour, dit vivement M me  Métaz, enchantée de la diversion.
     
    – Dites toujours, renchérit mollement Flora.
     
    Sans plus attendre, Blaise commença :
     
    – En janvier 98, quand le corps expéditionnaire français, formé pour soutenir vos patriotes vaudois menacés par les Bernois et commandé par le général Ménard, vint cantonner dans ce pays, un jeune officier, le chef de bataillon Charles Perrot, s’amouracha d’une jeune fille de Vevey…
     
    – Suzanne Roy, coupa Blanchod.
     
    – Si vous connaissez mon histoire, je n’ai plus qu’à me taire, dit en riant le capitaine.
     
    – Nous ne la connaissons pas, nous autres, s’écria Charlotte, soutenue par Chantenoz.
     
    – Elle se nommait Suzanne Roy, en effet, reprit Fontsalte. C’était une belle fille, délurée mais sérieuse, d’origine modeste, m’a-t-on dit, et robuste. Pour arriver à ses fins, Perrot, qui était un bon garçon, dut l’épouser.
     
    – Le mariage eut lieu le 26 février 98, Monsieur l’Officier, j’ai assisté à la cérémonie dans le temple de La Tour-de-Peilz. Mais c’est tout ce que je sais, se hâta d’ajouter Blanchod, pour faire excuser cette nouvelle interruption.
     
    – Merci pour cette précision qui a toute son importance, dit Blaise avant de poursuivre. Ce que vous ne savez peut-être pas, monsieur, c’est que, deux semaines plus tard, alors que sa demi-brigade était engagée contre les Bernois à Fraubrunnen, le jeune marié fut blessé. À peine remis de sa blessure, il fut, comme beaucoup, envoyé à Toulon afin d’embarquer pour l’Égypte. Comme j’étais du voyage, c’est sur le bateau que je fis sa connaissance.
     
    – C’est donc à Toulon que les époux se séparèrent, murmura Blanchod.
     
    – Ils ne se séparèrent pas ! La veille de l’appareillage, Perrot emprunta un uniforme de sous-lieutenant à un camarade de petite taille, Suzanne l’endossa et embarqua avec la demi-brigade. Ce n’est qu’après plusieurs jours de mer qu’elle se fit connaître pour ce qu’elle était. Personne ne la blâma pour cette audacieuse supercherie. Au contraire, tous les officiers admirèrent son courage et sa

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