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Herge fils de Tintin

Herge fils de Tintin

Titel: Herge fils de Tintin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoit Peeters
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d’informations (hélas très mal traduite) à laquelle j’aurai
souvent l’occasion de me référer, ainsi qu’à la monumentale Chronologie d’une œuvre entamée par Philippe Goddin et les éditions
Moulinsart. Je ne chercherai pas à concurrencer ces ouvrages sur le
plan des précisions bibliographiques ou de la critique des sources. Mon
objet est ailleurs.
    8  Ouvrage de Maxime Benoit-Jeannin, paru chez Golias en 2001.
    9  Régis Debray, I.F. suite et fin , Gallimard, 2000.

 
    Chapitre 1
     
    G EORGES R EMI
     
    (1907-1927)

 
    1
     
    Un blanc
     
    D’abord, c’est un blanc, un grand blanc. Un secret de
famille que garda Hergé jusqu’à son dernier souffle et qui
a fait couler beaucoup d’encre depuis 1 .
    L’histoire de Georges Remi commence en effet bien
avant sa naissance. C’est le 1 er octobre 1882 qu’une certaine
Léonie Dewigne, âgée de vingt-deux ans, donne le jour à
deux jumeaux, Alexis et Léon. Nés de père inconnu, ils portent le nom de leur mère. Quelques années plus tard, en
1888, la comtesse Hélène Errembault de Dudzeelle, veuve
d’un diplomate, vient s’installer à Bruxelles ; Léonie
Dewigne est engagée chez elle comme femme de chambre.
La « bonne comtesse », comme l’appellent Alexis et Léon,
prend soin des enfants, leur offre de beaux vêtements, et
leur donne la possibilité de faire des études jusqu’à quatorze
ans, chose relativement rare à l’époque.
    Il est également possible que ce soit elle qui ait favorisé
le mariage de Léonie, pour maquiller les conditions de la
naissance des deux garçons. Ce qui est certain, c’est que le
2 septembre 1893, Léonie Dewigne épouse son voisin, un
certain Philippe Remi, ouvrier imprimeur. Il est alors âgé
de vingt-trois ans et n’avait donc que onze ans lors de la
naissance des deux jumeaux. Qu’importe, il les reconnaît
et les enfants portent désormais son nom. On a cru longtemps qu’il s’agissait d’un mariage blanc et que ce pseudo-père, dont la complaisance aurait été soigneusement
monnayée, avait disparu aussitôt. En réalité, les deux
époux ont vécu ensemble jusqu’à la mort de Léonie, en
1901, six ans avant la naissance de Georges Remi.
    Les liens ultérieurs de la famille avec Philippe Remi
sont mystérieux. En 1905, il signe l’acte de mariage des
futurs parents d’Hergé en qualité de « père » d’Alexis.
Ensuite, on n’entend plus parler de lui. Il mourra en 1941
sans que Hergé l’ait rencontré. Pour autant qu’on le sache,
il n’a même jamais essayé d’entrer en contact avec ce
pseudo-grand-père.
    Il est bien difficile d’imaginer le poids exact de ce
roman des origines sur le jeune Georges. À quel âge a-t-il
eu connaissance du secret de famille ? Le lui a-t-on
expliqué ou l’a-t-il découvert tout seul ? Aucun document
ne permet aujourd’hui de le savoir. Ce qui est sûr, c’est
que, comme souvent dans ce genre de situation, les fantasmes sont allés bon train. Le secret nourrit bientôt ses
rêveries enfantines, renforçant le désir d’échapper à un
milieu qu’il considère comme médiocre. Lisant et relisant Sans famille de Hector Malot, roman dont le héros se prénomme Rémi, Georges s’invente une origine noble, ou
pourquoi pas royale puisque Léopold II était célèbre pour
ses maîtresses et ses enfants illégitimes.
Lorsque sa cousine Marie-Louise, fille de Léon Remi, interrogera son illustre cousin sur l’identité de leur grand-père, il
répondra, généralement, par une boutade du genre : « Notre
grand-père, c’était quelqu’un qui passait par là ! » Un jour
cependant, il lui déclarera, comme pour couper court à la
conversation : « Je ne te dis pas qui est notre grand-père,
parce que cela pourrait te monter à la tête 2  ! »
    Le secret paraît en tout cas d’autant plus essentiel que
Hergé – tout comme son frère Paul – l’a tenu jusqu’au
bout vis-à-vis du monde extérieur. Il n’y fit allusion dans
aucune interview, pas même dans la version orale, non
expurgée, des entretiens avec Numa Sadoul. Quelques
semaines avant sa mort, il me disait encore : « Mon père
était orphelin. » Et Baudouin van den Branden, qui travailla pendant vingt-cinq ans aux côtés d’Hergé, et
connut très bien Alexis Remi, ignora toujours son origine.
    Le poids véritable se marque en creux à travers toute
son œuvre. Forgée très tôt en renversant ses initiales, la
signature Hergé fut une

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