Herge fils de Tintin
Demoulin, racheté vers 1898 par la
maison Van Roye-Waucquez, spécialisée dans les vêtements pour garçonnets et jeunes gens. Peu à peu, Alexis
devient l’homme de confiance et le collaborateur direct
du patron, Henri Van Roye, qui a une grande estime pour
lui. À ses autres employés, M. Van Roye demande toujours de témoigner beaucoup de respect à Alexis, car il
vient d’une grande famille et a été élevé dans un château 3 .
Depuis son enfance, Alexis est inséparable de Léon, son
frère jumeau, qui travaille lui aussi dans la confection.
Seul le service militaire les a éloignés momentanément
l’un de l’autre : en 1902, c’est Léon que le tirage au sort a
désigné. Le reste du temps, on a coutume de les croiser
ensemble, et beaucoup de gens les confondent. Comme le
racontait Hergé :
Jusqu’au bout, tous les deux s’habillaient de façon identique.
Mon père avait-il une canne, mon oncle allait acheter la
même ; mon père s’offrait-il un feutre gris, mon oncle se précipitait pour acquérir un feutre gris ! Ils ont porté ensemble
la moustache, le melon, ils ont été glabres en même
temps 4 …
Léon Remi se marie en 1904. Le 18 janvier 1905,
Alexis Remi épouse quant à lui Élizabeth Dufour. Née
dans le quartier des Marolles, en 1882 comme lui, elle
exerçait jusqu’à son mariage la profession d’ouvrière
tailleuse, c’est-à-dire de couturière. C’est une jolie femme,
gracieuse et primesautière. Son père, Joseph-Antoine
Dufour, est plombier ; en 1900, il a gagné assez d’argent
pour se faire construire une assez belle maison bourgeoise,
au 34, rue de Theux, dans la commune d’Etterbeek. Sa
mère, Antoinette, est originaire du quartier des Marolles,
dans le centre de Bruxelles ; on y parle le « marollien », un
patois flamand mâtiné de français et de wallon, que l’on
appelle aussi le bruxellois ou brusseleer .
Alexis et Élizabeth s’installent tout près de chez les
parents Dufour, au 25 de la rue Cranz (aujourd’hui, 33,rue Philippe Baucq). Georges Prosper Remi y naît le
22 mai 1907, à 7h30 du matin. Sous le signe des
Gémeaux, comme il aimera le rappeler. Un an plus tard,
sans doute en raison de difficultés financières, la famille
Remi rejoint le 34, rue de Theux, non sans susciter la
jalousie des frères et sœurs d’Élizabeth. C’est dans cette
maison que le futur Hergé passera l’essentiel de son
enfance.
Sa mère est une femme de santé fragile. Petite, elle avait
failli mourir d’une pleurésie. Pendant l’hiver 1909-1910
– Georges a deux ans et demi –, elle est atteinte d’une
grave rechute. Son mari la croit perdue et court chercher
un prêtre qui lui administre l’extrême-onction. Mais,
contre toute attente, Élizabeth se rétablit. Alexis qualifie
cette guérison de miraculeuse, suscitant les sourires des
Dufour qui ne sont guère portés sur la religion. Quant à
la mère de Georges, elle racontera plus tard que son époux
était sorti en oubliant de fermer la porte, ce qui causa « un
courant d’air salutaire qui la remit d’aplomb 5 ».
Une chose est sûre : la santé d’Élizabeth reste délicate.
Elle est souvent malade et sujette à des passages à vide,
notamment pendant les absences de son mari. À cette
époque, le travail d’Alexis pour la maison Van Roye-Waucquez l’amène à voyager durant de longues périodes, en
France et en Italie surtout. Il envoie des lettres impeccablement calligraphiées, détaillant les étapes de ses tournées de
représentant de commerce. « Courage, patience », écrit à sa
femme le « fidèle mari ». « Vois-tu, il n’y a que nous deux
pour nous comprendre et nous réconforter l’un l’autre 6 . »
Très amoureux de son épouse, Alexis s’efforce de la protéger et de la rassurer autant qu’il peut. Cela correspondd’ailleurs à son idée de la féminité, que Hergé rapprochera
plus tard de celle du professeur Tournesol :
Mon père traitait toujours une femme comme s’il s’agissait
d’une chose faible, très fragile, très délicate, et ceci même si
c’était une véritable tour. Il était extrêmement galant et
empressé, et toujours prêt à rendre service, à offrir son bras
ou à jeter son manteau par terre pour que les pieds de cette
pauvre petite enfant, de cette grâce, ne se mouillent pas 7 .
On ne connaît pas avec précision l’éducation que reçut
le petit Georges. Il disait avoir été un enfant insupportable, mais
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