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HHhH

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Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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visées expansionnistes du Reich, mais au
contraire du plus large au plus étroit, afin d’accompagner le mouvement focal
qui va se refermer impitoyablement sur les premières cibles de l’ogre. Pour des
raisons qu’il juge inutile de préciser, Hitler décrète que les Allemands ont
droit à un espace vital plus grand que celui des autres peuples. L’avenir de
l’Allemagne dépend entièrement de la solution du problème posé par ce besoin
d’espace. Où trouver cet espace ? Non pas dans quelque lointaine colonie
d’Afrique ou d’Asie, mais au cœur de l’Europe – on trace un cercle
autour du Vieux Continent – dans le voisinage immédiat du Reich – donc
le cercle n’englobe que la France, la Belgique, la Hollande, la Pologne, la
Tchécoslovaquie, l’Autriche, l’Italie et la Suisse, plus la Lituanie, si l’on
se souvient du bout d’Allemagne qui à l’époque s’étend de Dantzig à Memel et
qui jouxte les pays baltes. La question que pose Hitler est alors la
suivante : où l’Allemagne peut-elle obtenir le plus gros profit au moindre
prix ? Sa puissance militaire présumée et ses liens avec la
Grande-Bretagne excluent la France du cercle, et avec elle la Belgique et la
Hollande, pour l’intérêt stratégique qu’elles représentent aux yeux de
l’état-major français. L’Italie mussolinienne est naturellement exclue
d’emblée. Une expansion à l’est vers la Pologne et les pays baltes se heurterait
prématurément à des susceptibilités soviétiques. La Suisse, comme d’habitude,
est préservée par sa vocation de coffre-fort, beaucoup plus que par sa
neutralité. Le cercle s’est donc rétréci et déplacé au-dessus d’une zone qui se
réduit à deux pays : « Notre premier objectif consiste à battre
simultanément l’Autriche et la Tchécoslovaquie, afin de supprimer le danger
d’une attaque de flanc dans toute éventuelle opération contre l’Ouest. »
Comme on voit, à peine avait-il ciblé son « premier objectif » qu’Hitler
pensait déjà à élargir le cercle.
    Göring et Raeder mis à part,
tous deux nazis authentiques, les projets d’Hitler tétanisèrent son assistance,
aussi bien au sens propre puisque Neurath fit plusieurs crises cardiaques dans
les jours qui suivirent l’exposé de ce brillant programme. Blomberg et Fritsch,
respectivement ministre de la Guerre et commandant en chef des forces armées
pour le premier, commandant en chef de l’armée de terre pour le second,
protestèrent quant à eux avec une véhémence tout à fait inappropriée aux mœurs
du III e  Reich. La vieille armée croyait encore, en 1937,
qu’elle pouvait être une force qui compte face au dictateur qu’elle avait
imprudemment aidé à s’emparer du pouvoir.
    Elle n’avait rien compris à
Hitler, mais Blomberg et Fritsch allaient payer pour apprendre à le connaître.
    Peu de temps après cette
conférence houleuse, Blomberg, qui s’était remarié avec sa secrétaire, eut le
déplaisir de voir révéler (et peut-être l’apprenait-il lui-même) que sa femme,
nettement plus jeune que lui, était une ancienne prostituée. Et comme le
scandale devait être maximal, des photos d’elle dénudée circulèrent dans les
ministères. Courageusement, Blomberg refusa de divorcer, mais il fut
immédiatement démissionné. Ecarté de toute responsabilité militaire, il demeura
fidèle à sa seconde femme jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’en 1946 et
Nuremberg, où il mourut dans l’attente de son procès.
    Fritsch, lui, fut victime d’une
machination encore plus scabreuse, savamment montée, comme il se doit, par
Heydrich.
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    Heydrich, comme Sherlock
Holmes, joue du violon (mais mieux que lui). Et, comme Sherlock Holmes, il
s’occupe d’enquêtes criminelles. Sauf que, à la différence du détective, lui ne
cherche pas la vérité ; il la fabrique, c’est autre chose.
    Sa mission est de compromettre
le général von Fritsch, commandant en chef des armées. Heydrich n’a pas besoin
d’être le chef du SD pour connaître les sentiments antinazis de Fritsch, car
celui-ci n’en a jamais fait mystère. À Sarrebruck, en 1935, lors d’un défilé,
on a pu l’entendre, en pleine tribune, se répandre en sarcasmes contre la SS,
le Parti, et plusieurs de ses membres éminents. Il serait sans doute assez
facile d’inventer un complot qu’il aurait ourdi.
    Mais Heydrich préfère quelque
chose de plus humiliant pour le vieux baron. Il sait avec quelle

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