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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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morgue et
quelle susceptibilité l’aristocratie prussienne se targue de rectitude morale.
C’est pourquoi il décide de compromettre Fritsch, à l’instar de Blomberg, dans
une affaire de mœurs.
    Contrairement à Blomberg, Fritsch,
lui, est apparemment un célibataire endurci. Heydrich décide de partir de là.
Pour ce genre de profil, l’angle d’attaque est évident. Afin de concocter le
dossier, il s’adresse au service ad hoc de la Gestapo, le
« département pour la suppression de l’homosexualité ».
    Et voilà ce qu’il trouve :
un individu louche, connu des services de police pour des activités de chantage
à l’encontre d’homosexuels, a déclaré avoir vu Fritsch, dans une ruelle
sombre près de la gare de Potsdam, en train de forniquer avec un certain
« Jo le Bavarois ». Incroyablement, l’histoire semble vraie, mais à
un détail près tout de même. Que le Fritsch en question ne soit qu’un homonyme
mal orthographié n’a guère d’importance aux yeux d’Heydrich, il se trouve que
c’est un officier de cavalerie en retraite, donc un militaire, ce qui
favorisera la confusion, d’autant plus que le petit maître chanteur est prêt à
reconnaître qui on veut sous la pression de la Gestapo.
    Heydrich a de l’imagination, et
c’est une qualité dans son métier, mais ce type de machination, si l’on veut
qu’elle ait une chance de fonctionner, requiert aussi un perfectionnisme dont
il n’a pas abusé dans cette affaire. Pourtant cela va presque suffire.
    Confronté, dans les bureaux
mêmes de la Chancellerie, devant Göring et Hitler en personne, au petit maître
chanteur, dont on a rapporté qu’il avait l’air d’un dégénéré complet, le
hautain baron ne daigne pas répondre aux accusations qui sont portées contre
lui. Or, se draper dans sa dignité n’est pas une attitude très payante dans les
hautes sphères du III e Reich. Hitler exige de Fritsch qu’il
démissionne immédiatement. Jusqu’ici, tout se déroule donc comme prévu.
    Mais Fritsch refuse. Il demande
à passer en cour martiale. Et soudain, la position d’Heydrich se trouve extrêmement
fragilisée. Une cour martiale implique une enquête préliminaire menée, non plus
par la Gestapo, mais par l’armée elle-même. Or, Hitler hésite. Pas plus
qu’Heydrich, il n’a envie d’un procès en bonne et due forme, mais il craint
encore un peu les réactions de la vieille caste militaire.
    En quelques jours, la situation
se renverse complètement : non seulement les militaires découvrent la
vérité, mais ils parviennent en plus à arracher des griffes de la Gestapo les
deux témoins clés de l’affaire, le maître chanteur et l’officier de cavalerie.
Le plan d’Heydrich est donc complètement éventé, et à ce moment-là sa tête ne
tient plus qu’à un fil : si Hitler autorise le procès, la supercherie
éclatera au grand jour, ce qui entraînera au minimum le limogeage d’Heydrich,
et la fin de ses ambitions. Il se retrouvera quasiment au même point qu’en
1931, après son renvoi de la marine.
    Heydrich vit très mal cette
perspective. Le tueur glacé devient proie affolée. Schellenberg, son bras
droit, se souvient qu’un jour, au bureau, pendant la crise, il demande qu’on
lui apporte une arme. Le chef du SD est aux abois.
    Mais il a tort de douter
d’Hitler. Finalement, Fritsch est mis en congé pour raison de santé. Pas de
démission, pas de procès, c’est plus simple, et tous les problèmes sont
résolus. Heydrich avait tout de même un atout considérable dans sa
manche : son intérêt convergeait avec celui d’Hitler, qui avait décidé de prendre lui-même le commandement de l’armée ; Fritsch devait donc être
éliminé coûte que coûte, c’était la volonté inébranlable du chef.
    Le 5 février 1938, le Völkischer
Beobachter titre en gros caractères :
    « Concentration de tous
les pouvoirs entre les mains du Führer ».
    Heydrich n’avait pas à s’en
faire.
    Le procès aura quand même lieu,
finalement, mais, entre-temps, les rapports de force se modifient
radicalement : après l’incroyable délire provoqué par l’Anschluss, l’armée
s’incline devant le génie du Führer, et renonce à faire des problèmes. Fritsch
acquitté, on fait liquider le maître chanteur, et puis on n’en parle plus.
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    Hitler n’a jamais rigolé avec
les mœurs. Depuis 1935, et les lois de Nuremberg, il est formellement interdit
à un Juif d’avoir des relations

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