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HHhH

HHhH

Titel: HHhH Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Binet
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sexuelles avec une Aryenne, et tout aussi
interdit à un Aryen d’avoir des relations sexuelles avec une Juive. La faute
est passible de prison.
    Mais, étonnamment, seul l’homme
peut être poursuivi. C’était apparemment la volonté d’Hitler que la femme,
qu’elle soit juive ou aryenne, ne soit pas inquiétée juridiquement.
    Heydrich, plus royaliste que le
roi, ne l’entend pas ainsi. Cette forme de discrimination entre hommes et
femmes blesse, semble-t-il, son sens de l’équité (mais uniquement dans le cas
où la femme est juive). C’est pourquoi, en 1937, il donne des instructions
secrètes à la Kripo et à la Gestapo afin que toute condamnation prononcée
contre un Allemand pour cause de relation avec une Juive entraîne
automatiquement l’arrestation de sa partenaire et sa déportation discrète dans
un camp de concentration.
    Lorsque était exigée d’eux,
exceptionnellement, une certaine modération, les chefs nazis ne craignaient
donc pas de contrecarrer les ordres de leur Führer. C’est intéressant si l’on
songe que l’obéissance aux ordres, au nom de l’honneur militaire et du serment
prêté, fut le seul argument invoqué après guerre pour justifier tous leurs
crimes.
50
    Une bombe éclate, c’est
l’Anschluss. L’Autriche a finalement « décidé » de se
« rattacher » à l’Allemagne. C’est la première étape de la naissance
du III e Reich. C’est aussi un tour de passe-passe qu’Hitler saura
bientôt renouveler : conquérir un pays sans coup férir.
    La nouvelle est donc une
déflagration en Europe. Le colonel Moravec, alors, est à Londres, et veut
logiquement rentrer à Prague de toute urgence, mais impossible de trouver un
avion disponible. Il parvient quand même à s’envoler pour la France et se
retrouve à La Hague. Là, il décide de faire le reste du trajet en train. Le
train, c’est bien, mais il y a tout de même un léger problème. Pour rallier
Prague, quand on vient de France, il faut traverser… l’Allemagne.
    Incroyablement, Moravec décide
de prendre le risque.
    Nous avons donc cette situation
originale où, le 13 mars 1938, pendant plusieurs heures, le chef des
services secrets tchécoslovaques traverse l’Allemagne nazie en train.
    J’essaie d’imaginer le voyage.
De son côté, lui essaie naturellement d’être le plus discret possible. Il parle
allemand, certes, mais je ne suis pas sûr que son accent soit au-dessus de tout
soupçon. En même temps, l’Allemagne n’est pas encore en guerre et les Allemands,
même chauffés par les discours du Führer sur la juiverie internationale et
l’ennemi intérieur, ne sont pas autant sur le qui-vive qu’ils pourront le
devenir. Par précaution, cependant, Moravec choisit sans doute, pour acheter
son billet, le guichetier dont la mine lui semble la plus avenante, ou l’air le
plus demeuré.
    Une fois monté dans le train,
je suppose qu’il a cherché un compartiment vide, et qu’il s’est installé :
    1. près de la fenêtre,
pour tourner le dos à d’éventuels compagnons de voyage, afin de décourager
toute velléité d’entamer la conversation en faisant semblant de regarder le
paysage, tout en surveillant le compartiment dans le reflet de la vitre.
    ou
    2. près de la porte, pour
pouvoir surveiller les allées et venues dans le couloir du wagon.
    Mettons près de la porte.
    Ce que je sais, c’est qu’il a
songé, conscient et peut-être assez fier de son importance, que la Gestapo
paierait cher pour savoir qui ce jour-là les chemins de fer allemands
transportaient.
    Chaque mouvement dans le wagon
a dû lui éprouver les nerfs.
    Chaque arrêt dans les gares.
    Un homme, de temps à autre,
montait dans le train et s’asseyait dans le compartiment, qui fut bientôt
largement rempli d’individus obligatoirement suspects. Des pauvres gens, des
familles sans doute, et dans ce cas c’était plutôt rassurant, mais aussi des
hommes mieux habillés.
    Un homme sans chapeau,
peut-être, passe dans le couloir, et ce détail intrigue Moravec. Il se souvient
de son voyage d’études en URSS, quand on lui avait confié que là-bas, un homme
avec un chapeau était forcément un membre du NKVD ou un étranger. Dans ce cas,
que signifie, en Allemagne, un homme sans chapeau ?
    Je suppose qu’il y a des
changements, des correspondances, des heures d’attente, et c’est autant de
stress supplémentaire. Moravec entend les vendeurs de journaux à la criée,
hystériques et triomphants

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