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Mémoires
qu’il a été frappé par cette espèce de romantisme mystique dont tous les
Allemands de Bohême ont soudain semblé habités.
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« Le concile de Constance
s’est rendu coupable d’avoir appelé nos ennemis naturels, tous les Allemands
qui nous entourent, à une lutte injuste contre nous, bien qu’ils n’aient aucune
raison de se dresser contre nous, sinon leur inapaisable fureur contre notre
langue. »
(Manifeste hussite, vers 1420)
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Une fois, une seule, la France
et l’Angleterre ont dit non à Hitler pendant la crise tchécoslovaque. Et
encore ! L’Angleterre vraiment du bout des lèvres…
Le 19 mai 1938, des
mouvements de troupes allemands sont signalés à la frontière tchèque. Le 20, la
Tchécoslovaquie décrète une mobilisation partielle de ses propres troupes,
envoyant du même coup un message très clair : si elle subit une agression,
elle se défendra.
La France, réagissant avec une
fermeté qu’on n’attendait déjà plus d’elle, déclare immédiatement qu’elle
tiendra ses engagements envers la Tchécoslovaquie, c’est-à-dire qu’elle lui
viendra en aide militairement en cas d’agression allemande.
L’Angleterre, désagréablement
surprise par l’attitude française, s’aligne néanmoins sur la position de son
alliée. Avec cette petite restriction toutefois qu’il ne sera jamais question,
de façon explicite, d’une intervention certaine des forces britanniques en cas
de conflit armé. Chamberlain veille à ce que ses diplomates ne franchissent pas
le seuil de cette formule embarrassée : « Dans l’éventualité d’un
conflit européen, il est impossible de savoir si la Grande-Bretagne ne se
trouvera pas entraînée à y prendre part. » On a connu plus décidé.
Hitler se souviendra de ces
circonvolutions, mais sur le coup, il s’effraie et recule. Le 23 mai, il
fait savoir que l’Allemagne n’a aucune intention agressive envers la
Tchécoslovaquie, et fait retirer comme si de rien n’était les troupes massées à
la frontière. La version officielle est qu’il s’agissait de simples manœuvres
de routine.
Mais Hitler est fou de rage. Il
a l’impression d’avoir été humilié par Beneš et il sent cette pulsion guerrière
monter en lui. Le 28 mai, il convoque les officiers supérieurs de la
Wehrmacht pour leur aboyer ceci : « La Tchécoslovaquie sera rayée de
la carte, c’est ma volonté la plus formelle ! »
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Beneš, inquiet du manque
d’enthousiasme manifesté par la Grande-Bretagne pour honorer ses engagements,
appelle son ambassadeur à Londres pour avoir des nouvelles. La conversation,
enregistrée par les services secrets allemands, ne laisse aucun doute sur le
peu d’illusions des Tchèques envers leurs homologues anglais, à commencer par
Chamberlain, qui s’en prend plein la gueule :
— Le maudit bâtard ne
demande qu’à lécher le cul d’Hitler !
— Bourrez-lui encore le
crâne ! Faites-lui reprendre ses esprits.
— D’esprit, le vieux
chameau n’en a plus, si ce n’est pour flairer le tas de sable nazi et tourner
tout autour.
— Alors causez avec Horace
Wilson. Dites-lui de prévenir le Premier ministre que l’Angleterre sera elle
aussi en danger si nous ne nous montrons pas tous résolus. Pouvez-vous lui
faire comprendre ça ?
— Comment voulez-vous
parler avec Wilson ? Ce n’est qu’un chacal !
Les Allemands s’empressèrent de
transmettre les bandes d’enregistrement aux Anglais. Chamberlain, paraît-il,
fut atrocement vexé et ne pardonna jamais aux Tchèques.
Pourtant, c’est à ce même
Wilson, conseiller spécial de Chamberlain, venu proposer de sa part une
tentative de conciliation entre Allemands et Tchèques, avec arbitrage britannique,
que, peu de temps après, Hitler parlera en ces termes :
« Qu’est-ce que j’en ai à
foutre, d’une représentation britannique ! Le vieux chien merdeux est fou
s’il pense me posséder de cette façon ! »
Wilson s’étonnera :
« Si Herr Hitler se réfère
au Premier ministre, je peux lui assurer que le Premier ministre n’est pas fou,
mais seulement intéressé au sort de la paix. »
Hitler, alors, se laissera
franchement aller :
« Les remarques de ses
lèche-cul ne m’intéressent pas. La seule chose qui m’intéresse, c’est mon
peuple de Tchéquie ; mon peuple torturé, assassiné par cet immonde
pédéraste de Beneš ! Je ne le supporterai pas davantage. C’est plus qu’un
bon Allemand n’en
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