Hiéroglyphes
redressai vivement. Rejetai les séraphins dans mes
vêtements épars avant de me précipiter hors de
mon réduit, aux trousses du bonhomme, afin de lui faire
cracher ce qu’il avait voulu dire.
Mais
il n’était plus nulle part. Et, le lendemain matin, son
patron déclara que le vieux s’était absenté
sans permission, en emportant ses maigres affaires personnelles.
*
* *
Enfin
Jérusalem… Une vision qui, je l’avoue, me coupa
le souffle.
La
ville est perchée sur une colline dressée parmi
d’autres collines et, de trois côtés, le sol
plonge à pic vers d’étroites vallées. Mais
c’est par le quatrième versant, au nord, que sont venues
toutes les invasions. Oliveraies, vignobles et potagers habillent
l’ensemble d’un paysage que ponctuent les taches vertes
des bouquets d’arbrisseaux. Bâtis par un sultan musulman
du nom de Soliman le Magnifique, de formidables murs cernent
entièrement les habitants de la cité. Moins de neuf
mille personnes y vivaient alors, tirant leur subsistance des
pèlerins et d’une industrie sporadique à base de
savon et de poterie. Une population composée d’environ
quatre mille musulmans, trois mille chrétiens et deux mille
juifs.
La
diversité des bâtiments édifiés sur cette
crête conférait à l’ensemble un cachet
unique. La mosquée originale ou dôme du Rocher possède
une coupole dorée qui brille comme une étoile dans le
soleil couchant. Plus près de la porte de Jaffa se dressait la
vieille citadelle militaire, avec ses remparts crénelés
que domine une tour circulaire en forme de phare. Cette citadelle se
dresse sur des pierres aussi colossales que celles des pyramides
d’Égypte. D’autres soutiennent l’ancien
temple juif qui a donné naissance à la grande mosquée.
Toutes les assises de Jérusalem ont dû être
amenées sur place et posées par des titans.
Voisinant
à contre-ciel, dômes, minarets et clochers bâtis
par tel ou tel croisé, tel ou tel conquérant rivalisent
de sainteté dans l’espoir d’imposer, tôt ou
tard, sa foi par le fer et le feu. La rivalité est aussi
évidente que celle des marchands de légumes sur un
marché dominical, les cloches chrétiennes s’efforçant
de couvrir l’appel des muezzins et les psalmodies des prières
juives. Fleurs sauvages et plantes grimpantes tapissent les vieux
murs mal entretenus, à l’ombre des palmiers qui poussent
au hasard. Hors des murs d’enceinte, descendent les oliviers en
allées sinueuses où fument nuit et jour les feux
d’ordures ménagères. Et, sur ces décharges
improvisées, planent des oiseaux se détachant sur les
palais formés par les nuages aussi nets et détaillés
que les constructions terrestres. Jérusalem, tout comme Jaffa,
retrouve, au couchant, la couleur de miel des pierres calcaires qui
la composent.
Promenant
son regard sur l’antique capitale, par-dessus la vallée
de la Citadelle, Mohammed déclara soudain :
« La
plupart des hommes viennent ici chercher quelque chose… Que
cherches-tu, mon ami ?
— La
sagesse. »
Et
ce n’était pas un mensonge. Le Livre de Thot avait la
réputation de l’apporter à qui le lirait, et par
les lunettes de Franklin ! j’avais l’intention d’en
faire bon usage. Mais je contredis ma propre affirmation, dans une
large mesure, en ajoutant :
« Ainsi
que des nouvelles d’une femme que j’aime.
— Ah ?
Beaucoup d’hommes cherchent ainsi, toute leur vie, sans jamais
trouver ni la sagesse ni l’amour. Alors, il est bien que tu
sois venu ici, où les prières ont plus de chances que
partout ailleurs d’être entendues.
— Espérons-le. »
Je
savais que Jérusalem, précisément à cause
de sa réputation de sainteté, avait été
attaquée, incendiée, pillée plus que n’importe
quel autre lieu au monde.
« Je
vais te payer le reste de ton salaire et partir en quête de
l’homme que je dois consulter. »
Tandis
que je réglais ma dette, j’évitai de faire sonner
ce qui restait dans mon escarcelle. Mohammed protesta doucement :
« Même
pas une petite gratification supplémentaire, pour t’avoir
apporté ma connaissance de la Terre sainte ? Aucun
supplément pour ta sécurité assurée ?
Aucun remerciement pour ce spectacle grandiose ?
— Et
pour le beau temps, peut-être ? »
Il
parut sincèrement blessé.
« J’ai
essayé de bien te servir, effendi. »
Pivotant
sur ma selle pour qu’il ne puisse voir le peu qui me restait,
je lui versai un pourboire
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