Hiéroglyphes
genre
d’exercice. On se glissa dans une autre galerie de taupe, la
femme en tête. Il arrivait que Gros Ned passât tout
juste, en poussant devant lui le sac de ciment. Il ruisselait d’une
sueur fétide. Puis le tunnel agrandi par la main de l’homme
redevint plus praticable. Un boyau montant, bas de plafond, trop
étroit pour laisser deux hommes s’y croiser. Ned
n’arrêtait pas de se cogner la tête et jurait sans
discontinuer.
« D’après
la légende, dit Farhi, ce tunnel passe très loin sous
la plate-forme du Temple. »
Bientôt,
une nouvelle rumeur d’eau courante se fit entendre, droit
devant nous. Puis on déboucha dans une vaste caverne que nos
lanternes ne parvenaient pas à éclairer. Jéricho
me demanda de tenir la sienne pendant qu’il s’immergeait
prudemment dans l’eau noire.
« Ça
va, diagnostiqua-t-il en en ressortant. L’eau ne monte pas plus
haut que la poitrine et elle est très propre. On a déniché
les citernes. Pas de bruit, messieurs ! »
De
l’autre côté de la nappe, le tunnel reprenait. On
atteignit une seconde citerne, puis une troisième, à
dix mètres d’intervalle.
« À
la saison des pluies, tous ces passages doivent être remplis
d’eau. »
Toujours
montant, le tunnel aboutit à une caverne sèche plus
haute de plafond, en raison de la chute de nombreuses pierres tombées
de là-haut qui avaient également surélevé
le sol. À son autre extrémité, on apercevait le
sommet d’une arche taillée dans la roche. Si jadis elle
avait possédé une porte, celle-ci brillait par son
absence et l’ouverture avait été entièrement
murée à l’aide de quartiers de roche cimentés
entre eux.
« Hé !
merde, tout ça pour rien, haleta Gros Ned.
— Pas
sûr, rétorqua Jéricho. Qu’y a-t-il derrière
ce mur que ses bâtisseurs ne voulaient pas qu’on
atteigne ?
— Ils
ne voulaient peut-être pas qu’on puisse sortir, ajouta
Miriam.
— Il
nous faudrait un tonneau de poudre ! gémit le marin en
rejetant le sac de ciment.
— Pas
question d’explosion, le contredit Farhi. Il faut le percer
avant les prières de l’aube.
— Et
le reboucher, intervint Miriam.
— Oh,
merde ! » se lamenta Gros Ned.
J’essayai
d’accélérer les choses :
« Le
temps perdu ne se rattrape jamais, dirait ce vieux Ben.
— Et
si j’étais à ta place de sale tricheur aux
cartes, rappela Ned, je souhaiterais qu’il y ait quelque chose
à glaner de l’autre côté de ce mur, ou je
te prendrai par les pieds et je te secouerai si fort que tu te
videras de toutes tripes ! »
Mais
nécessité faisant loi, lui et Petit Tom se mirent au
boulot. On forma une chaîne qui fraya le chemin jusqu’à
la base de l’arche aux trois quarts invisible. Plus de deux
heures à déplacer de la caillasse pour aménager
la traversée. Une corvée à se briser les reins
pour découvrir enfin le bas de l’ouverture murée
par des pierres calcaires de différentes couleurs.
« Ils
étaient bien forcés de boucler cette entrée,
constata le lieutenant. Toute une armée ennemie aurait pu
s’introduire par ce portail.
— Construit
par les juifs, approuva Farhi. Et muré par les Arabes, les
croisés ou les Templiers. La voûte s’est écroulée
sous quelque choc sismique et le passage a été oublié,
sauf par la légende. »
Non
sans une ombre de lassitude, Jéricho ramassa la lourde barre
de fer que, depuis le début de notre parcours souterrain, il
avait maniée comme une simple canne.
« Eh
bien, allons-y. »
La
première pierre est toujours la plus dure à déloger.
On n’osait pas cogner trop fort, alors on creusa le mortier, au
couteau, avant de placer Gros Ned et Jéricho face à
face. Ils bandèrent leurs muscles et la pierre glissa
lentement hors de son alvéole, comme un tiroir forcé.
Lorsqu’elle bascula, ils la saisirent au vol et la posèrent
à leurs pieds, comme une simple pantoufle. Les yeux fixés
au plafond, Farhi semblait à l’affût des réactions
de la garde musulmane, loin au-dessus de nos têtes.
Je
rompis d’un pas ou deux dans le souffle d’air confiné
qui fusait hors du trou noir. On gratta le mortier intercalaire des
pierres suivantes, on redoubla d’efforts pour les sortir à
leur tour jusqu’à ce que la brèche fût
assez large pour nous laisser passer.
« Jéricho
et moi allons pousser une petite reconnaissance. Vous autres marins,
restez là. Si on trouve quelque chose, on vous le rapporte.
—
Weitere Kostenlose Bücher