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Histoire de croisades

Histoire de croisades

Titel: Histoire de croisades Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Allessandro Barbero
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ce moment précis qu’arrive sur les côtes de la Terre
sainte un autre fils du marquis Guillaume : il s’appelle Conrad. Lui aussi
est parti chercher fortune en Orient. À Constantinople, il a épousé une
princesse byzantine, il a réprimé une conjuration pour le compte de l’empereur,
puis il a compris qu’il courait le risque de mourir empoisonné comme son frère
l’avait été à Jérusalem. Il se rend donc en Terre sainte, sans rien savoir de
ce qui vient de se passer ; il arrive par la mer dans un port qu’il croit
chrétien, pénètre dans la rade et, sur le quai, découvre des sentinelles musulmanes.
Alors se déroule ce dialogue qui nous paraît à peine croyable mais que les
chroniqueurs racontent comme la chose la plus naturelle du monde. Conrad dissimule
qu’il est un prince venu soutenir ses coreligionnaires en Terre sainte, car on
l’aurait arrêté sur-le-champ ; il dit être un marchand chrétien, tout
comme les gens qui l’accompagnent : ils ont appris que Saladin a conquis
tout le pays et viennent faire des affaires, sûrs de sa protection. Les gardes
ne sont pas étonnés, rien ne sort de l’ordinaire : les marchands voyagent
et trafiquent en tout temps et en toutes circonstances ; personne ne les
dérange car tout le monde a besoin d’eux. Conrad retourne donc à bord de son
navire, reprend la mer, et s’en va débarquer dans la dernière ville encore
chrétienne : le port de Tyr. Là-bas, on s’en doute, l’arrivée de ce jeune
Montferrat, qui est un chevalier déjà connu de par le monde, est accueillie
avec enthousiasme. Conrad assume la lourde tâche de défendre la ville avec les
maigres forces disponibles ; Saladin arrive, l’assiège, mais ne réussit
pas à la prendre. Finalement, pour persuader Conrad de se rendre, il fait venir
sous le mur d’enceinte son propre père, le vieux marquis Guillaume, toujours
prisonnier, et il menace de le tuer si la ville n’ouvre pas les portes. Conrad
a alors une de ces reparties qui seront ensuite célébrées avec exaltation sur
toutes les places d’Occident : « Mon père a déjà vécu assez longtemps. »
Voyant qu’avec ces obstinés il est impossible de discuter, Saladin n’insiste
pas et, comme il est grand seigneur, libère quand même le vieillard.
    Le siège se poursuit ; Conrad tient toujours bon. Saladin
rassemble à grand-peine une flotte de navires égyptiens et attaque la ville
depuis la mer, mais Conrad a avec lui les galères génoises et pisanes, et il
coule à pic les vaisseaux musulmans. Saladin, qui commence à perdre patience, découvre
tout d’un coup comment se débarrasser de lui. Parmi les prisonniers il y a
toujours le roi Guy de Lusignan, celui qui a épousé Sybille, qui a mené l’armée
au désastre, et que tous les chrétiens détestent ; Saladin le libère à l’improviste.
Guy de Lusignan frappe aux portes de Tyr, exigeant que Conrad lui cède le
commandement. Conrad rétorque qu’à la bataille de Hattîn Guy a joué sa couronne
et a perdu tous ses droits. Comme l’avait prévu Saladin, le camp chrétien se
divise en deux partis : celui de Montferrat et celui de Lusignan. Par
chance pour les croisés, en Europe Clément III a proclamé la croisade et les
vrais rois arrivent, en particulier Richard Cœur de Lion. Grâce à lui, Saladin
est contraint d’adopter une position défensive ; il est même vaincu lors d’une
bataille en plein désert. Les chrétiens reconquièrent plusieurs villes, mais
non Jérusalem, puis leur élan s’épuise et les rois retournent chez eux. Conrad
est le seul à rester. Les barons s’assemblent et l’élisent roi de Jérusalem, en
attendant que le petit Baudouin grandisse. Le lendemain, après avoir déjeuné, Conrad
sort dans la rue, deux assassins se jettent sur lui, le poignardent et s’enfuient
en laissant son cadavre sur le sol.
    Des histoires de ce genre alimentaient de façon décisive l’imaginaire
et les fantasmes de nos ancêtres d’alors, au moins autant que l’idéal abstrait
de la guerre sainte. Quand ils parlaient des croisades, ils pensaient, bien sûr,
au salut de l’âme, à la Passion du Christ, au Saint-Sépulcre ; mais ils
pensaient aussi à un monde où des choses comme celles-là se produisaient, où l’on
pouvait partir à l’aventure et devenir roi. Un autre frère de Conrad, Boniface,
réussit presque, pour sa part, à devenir empereur de Constantinople après être
parti en 1202 pour la quatrième croisade qui,

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