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Histoire de croisades

Histoire de croisades

Titel: Histoire de croisades Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Allessandro Barbero
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ecclésiastiques ont en tête : ces rois et ces nobles, qui
commandent, perçoivent les impôts, rendent la justice, pendent les malfaiteurs
et se font obéir par la violence, allant toujours à cheval et en armes et se faisant
la guerre continuellement, risquent de finir tous en enfer, car ils ont tous
les mains trempées de sang. Mais si leur violence, se disent les clercs, pouvait
être orientée vers un but positif, si nous réussissions à les envoyer en Terre
sainte combattre les ennemis de Dieu, alors ils sauveraient leurs âmes et nous
aurions ici un peu plus de paix. Celui qui, dans son pays, est une brute sanguinaire
vouée aux flammes de l’enfer devient un héros quand il fait la même chose
au-delà des mers, et Richard Cœur de Lion reste dans les mémoires comme un des
grands héros de l’Occident. Parce que c’est un guerrier formidable qui terrifie
les musulmans, comme le racontent complaisamment les écrivains médiévaux :
les Sarrasins avaient tellement peur de lui que les mères musulmanes, pour
faire taire leurs enfants qui pleuraient, disaient : si tu n’es pas sage, le
roi Richard va venir.
    Cette contradiction, qui nous paraît criante, entre l’idéal
et la violence, il nous faut l’accepter si nous voulons comprendre l’état d’esprit
des croisés. Avant que le doute ne s’installe, les Occidentaux ont longtemps
cru qu’il était juste de risquer le martyre en marchant sur les pas du Christ, de
combattre jusqu’à la mort pour arracher aux ennemis de Dieu une chose
considérée comme sacrée – les Lieux saints et le Sépulcre. Ils ont cru que le
sang ainsi versé plaisait à Dieu, et qu’il n’y avait pas de mal à sauver son
âme tout en obtenant ici-bas une rétribution immédiate : si en combattant
les infidèles on s’enrichissait, si l’on gagnait de nouveaux empires, si l’on
devenait roi ou prince, c’était la juste récompense pour ceux qui avaient eu la
foi. Evoquons encore un exemple précis : celui d’une famille de princes
italiens qui joua tout son avenir sur la capacité de saisir ces extraordinaires
occasions, de chercher le salut et en même temps de vivre une grande aventure, avec
des perspectives mirobolantes de succès.
    A l’époque de Richard Cœur de Lion, qui est aussi celle de
Frédéric Barberousse, de la Ligue lombarde et de la bataille de Legnano [4] , il y avait en
Piémont une lignée de princes fidèles à l’empereur et ennemis des communes :
les marquis de Montferrat. Ils étaient puissants, mais la croissance des
communes et la défaite de l’empereur les inquiétaient. En effet, quand les
villes prennent de l’importance, la noblesse des campagnes en pâtit. Au moment
de la bataille de Legnano, donc, le marquis de Montferrat, Guillaume le Vieux, a
quatre fils ; ils sont déjà trop nombreux pour trouver une situation même
lorsque tout va bien, alors le père a du mal à imaginer un avenir pour eux dans
un monde où l’empereur a été vaincu et où les villes triomphent. Il commence
donc à envisager l’Outre-mer comme une solution pour quelqu’un de son rang. Les
croisades ont ouvert un horizon qui auparavant n’existait pas, ou qui était
fermé : au moins pour les princes – car sur les miséreux, et sur les
raisons pour lesquelles ils partaient, nous sommes beaucoup moins informés –, c’est
comme si le monde avait été multiplié par deux. Ici, dans la plaine du Pô, les
choses tournent mal, mais là-bas il y a des possibilités extraordinaires, surtout
pour un prince qui a de beaux fils, grands, blonds et forts.
    Cela se passait quelques années avant que Clément III ne
proclame la troisième croisade. Saladin enserrait le royaume de Jérusalem dans
un étau, et l’avenir était d’autant plus sombre que le souverain – Baudouin IV,
roi de Jérusalem – était un adolescent de quinze ans atteint de la lèpre. La
lèpre est une maladie qui à l’époque était incurable, et que l’on croyait bien
plus dangereuse qu’elle ne l’est en réalité : on la tenait pour
terriblement contagieuse, ce qui semble-t-il n’est pas le cas ; néanmoins,
quand on l’avait attrapée, on ne guérissait pas. La lèpre et les lépreux suscitaient
une horreur profonde. Baudouin était pourtant le roi, la couronne lui était
échue par droit héréditaire, même s’il était évident qu’il ne tarderait pas à
devenir paralysé, aveugle, et à mourir. Il était impensable de trouver une
jeune fille noble qui

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