Histoire De France 1715-1723 Volume 17
réforme ou correction, mariés presque enfants. Mais rien n'y fit. Un peu avant le départ pour Versailles, trois d'entre eux, avec certains parents du premier président, avaient fait «une orgie si horrible, dit Madame, qu'on ne peut l'écrire.» Le pis, c'est qu'en cette partie d'hommes, le chef étaitune femme, la femme de l'aîné Villeroi (née Luxembourg, duchesse de Retz). À dix-huit ans, laissant la large voie de Messaline, écolier effréné, elle court les sentiers de Pétrone. Alincourt (Villeroi) et le petit Boufflers, leur beau-frère, un enfant, étaient de ce souper, trop grec, qui fit bruit dans Paris. Le Régent fut forcé de le savoir. Le grand-père, Villeroi, déroba les coupables en demandant pour eux un exil qui ne dura guère.
Comment ce grand-père imbécile les fait-il venir à Versailles? Comment Dubois et le Régent, qui les connaissent bien, ne lui font-ils pas remontrance, surtout sur cette jeune duchesse, page effronté, qui pouvait être un si dangereux camarade?
Faudrait-il croire que le vieux courtisan, fait à l'ancien Versailles, pensa qu'à tout prix il fallait s'assurer du roi contre le Régent? Faudrait-il croire que Dubois, non moins indélicat, fut ravi, à ce prix, de pouvoir pincer Villeroi, de le perdre dans l'opinion de Paris? Jusque-là il n'en tirait rien avec toutes ses avances. Il avait beau lui faire toutes les soumissions, lui offrir tout, se mettre à genoux devant lui. N'aboutissant à rien, il voulait, non pas le détruire (ce qui aurait servi M. le Duc), mais l'humilier, l'aplatir, le dégonfler, et bref, en faire un mannequin, pour en jouer comme on voudrait.
La jeune folle perdit son temps; la camarade étrange, d'impudente familiarité, blessa l'enfant hautain, timide, l'effraya presque. On ne pouvait aller ainsi brusquement et directement. Par un circuit, on visa les entours, un camarade que le roi avait déjà,un petit abbé de douze ans, docile oiseau, passif, qui privé aurait privé l'autre:
Ces misérables étaient des étourdis. Si près de la majorité, ils ne tenaient plus compte du Régent, et ne songeaient pas à Dubois, qui était là et les suivait de l'œil. Ils étaient dans le parc comme chez eux, faisaient leurs bacchanales à l'aise, sous les ombrages des maigres bosquets de Versailles. Certaine nuit (2 août), par un beau clair de lune, avec leur chef Rambures, l'aîné et le cadet des Villeroi, et leurs beaux-frères furent vus, surpris. Probablement des témoins étaient apostés. Tout Versailles le sut la nuit même, au matin, tout Paris. Les chroniqueurs exacts ( Buvat , Marais , Barbier ), fort concordants ici, donnent les mêmes détails, les mêmes noms. Saint-Simon, ennemi du grand-père, mais très-ami du père (duc de Villeroi), aime mieux n'en rien dire: son récit reste obscur, bizarre, donnant des faits inexplicables dont il a supprimé la cause, si publique pourtant et si parfaitement connue.
Le coup accablait Villeroi. La passion du peuple pour le roi allait tourner contre lui et les siens. Quelle négligence dans l'aïeul! quelle audace dans les enfants! Manquer au roi à ce point-là, chez lui, sous ses fenêtres! L'exposer, à cet âge, à voir et savoir tout cela! Ajoutez le moment: la veille de sa première communion! Pour comble, une des Villeroi, et la seule qui fut vertueuse, dénonçait hautement l'infamie des tentatives plus directes. Corrompre cet enfant si frêle, c'était un attentat sur sa vie elle-même, et proprement un régicide.
Villeroi, effrayé, fit la plus pénible démarche: il alla chez Dubois. La chose lui coûtait tellement, qu'il n'y alla que le 3. Le 2, toute la journée, Rambures, l'effronté chef de bande, s'était montré partout en habit de gala. Il pensait comme Guise: «On n'osera,» croyant, le misérable, que plus la chose était honteuse, moins on pourrait faire un éclat qui la révélerait au roi même. Il spéculait sur la pudeur du Régent, de Dubois, et leurs ménagements pour l'enfant. Mais pourtant c'était trop. Il fallut bien faire quelque chose. On fit le moins qu'on put. On les envoya se laver à leurs châteaux. Rambures eut les honneurs de la Bastille.
L'ordre était inconnu encore, quand, le matin du 3, Villeroi, se faisant remorquer d'un ami, le cardinal Bissy, fait enfin visite à Dubois. Celui-ci l'étreint de tendresse, l'accable de respects, et, pour le recevoir, il renvoie les ambassadeurs qui attendaient. Avec tout cela, comment taire ce qui s'est fait contre
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