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Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Histoire De France 1715-1723 Volume 17

Titel: Histoire De France 1715-1723 Volume 17 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Michelet
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maîtresse. À ses derniers soupers, de huit convives, sept sont malades. Corps ruinés, caisse vide, oubli, insouciance, c'est ce gouvernement. Surtout inconséquence. Il est prodigue,il est sordide. À la mort de Madame, Dubois fait auner le drap noir dans toutes les boutiques, le taxe, achète à bon marché. Mais qu'on craigne la peste, il dort; un cas ayant éclaté à Paris, l'ex-gouverneur de Marseille ne peut arriver jusqu'à lui; il le fait attendre deux mois. Encore plus le Régent lâche tout. Tout près de son Palais-Royal, rue Richelieu, en plein midi, un bretteur oblige un novice de dégainer, le tue tranquillement, et le soir, tout sanglant, avant de se laver, il exige du Régent sa grâce.
    C'est le soliveau-roi dont parle la Fontaine. Mais qu'a-t-on à attendre de ce qui doit le remplacer, de ce qui vient avec M. le Duc? Un élément arrive impitoyable, rien d'humain, quelque chose d'emporté sans mesure, la furie, la roideur, l'impudeur d'une force qui va droit devant soi, ne peut rougir de rien. Cette terrible locomotive va croître encore de violence. Une révolution singulière se fait dans son tempérament. Madame de Prie eut cela de bizarre, qu'en trois ou quatre ans elle fut trois personnes différentes. Svelte, fine, avant le Système, quand elle en eut humé les fruits, elle grossit, s'enfla de chair, de sang. Puis, son règne passant, elle sécha tout à coup. Au moment où nous sommes, à la majorité, elle gonflait. Un flot de sang, de feu et de fureur, lui coulait dans les veines. Elle avait l'énorme beauté et les emportements de la duchesse de Berry. Différente pourtant en ceci de la pauvre folle, qu'elle n'était point folle du tout, mais très-lucide pour le mal, et très-cruellement avisée.
    Tout est solidaire en ce monde. L'Europe le sentaitet songeait fort. Que serait-ce si la France, tombée aux mains sauvages de gens si neufs, si violents, allait flotter, comme un vaisseau perdu, en feu, pour heurter tout, pour tout brûler peut-être? La seule secousse du changement pouvait être mortelle à la paix, cette paix tant cherchée par Dubois et par tous, cette paix faible encore, d'un tempérament délicat et point du tout consolidée. Après Law, après Blount, les affaires, pour reprendre, avaient grand besoin de repos, point d'une telle révolution, d'un gouvernement d'aventures. L'Angleterre intervint. Elle donna au Régent le vouloir, la résolution. On lui fit constituer un premier ministre qui concentrât tous les pouvoirs (23 août 1722), comme les avait eus Richelieu (le Régent gardant seulement les nominations et la présidence du Conseil). Dubois eut ses patentes, avec l'assentiment de toute l'Europe, ayant d'un côté l'Angleterre et les puissances protestantes, de l'autre l'Espagne et l'Empereur.
    Cela rejetait loin M. le Duc et madame de Prie. Elle devait attendre deux ans pour l'héritage de Dubois. Chose dure. Il fallait qu'il mourût pour qu'à son tour elle palpât tant de biens désirés, entre autres le million annuel d'Angleterre. Dubois la consola, il entra dans sa peine, acheta un répit en lui faisant une fort belle pension. Mais cela ne la calmait pas. À peine elle touchait qu'elle criait pour toucher encore. En deux ans, elle en toucha sept.
    Cet accord de l'Europe mettait Dubois bien haut. Il se vautra à l'aise dans le fauteuil de Richelieu. Il fit chercher par le P. Daniel tous les titres qu'il avait eus.Pour qu'il n'y manquât rien, il se mit, lui aussi, à l'Académie française. Comme un singe qui s'habille en homme, il se prenait au sérieux, se drapait dans son rôle. Il était fier surtout de son affaire d'Espagne. Coup sublime d'habileté! Ce vrai Scapin avait mis dans le sac ses amis les Anglais, ses ennemis les Espagnols. Que l'Angleterre aimât Dubois au point d'accepter sans mot dire ce pacte de famille qui reliait tous les Bourbons, n'était-ce pas miracle. Richelieu était effacé.
    Dans le public on disait tout au moins: «Comme ancien domestique des Orléans, il n'est pas maladroit. Voilà la fille du Régent reine d'Espagne. Et, d'autre part, l'infante de quatre ou cinq ans qui nous vient, n'ayant pas d'enfant de si tôt, le Régent garde pour longtemps la chance du trône de France.»
    Vanité et sottise. Le Régent, qui finit, son fils, un jeune sot, ne sauraient profiter de rien.
    Vanité et sottise. L'Escurial et le Palais-Royal mariés! quoi de plus fou! Un moyen sûr que l'Espagne et la France se haïssent solidement, c'était

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