Histoire De France 1715-1723 Volume 17
les petits-fils? Là, Villeroi s'emporte. Dubois, qui, après tant d'avances, s'est empressé de le déshonorer, lui semble le plus faux des hommes. Il lui déclare la guerre. Il le raille, il l'insulte, il le traite en laquais. Dubois veut se sauver. Villeroi se met en travers, lui fait avaler tout, jure de faire du pis qu'il pourra, ajoutant ce conseil: «Vous pouvez tout ... Eh bien, arrêtez-moi? Vous n'avez que cela à faire.»
Ce radotage colérique, cet imprudent défi d'un homme qui ne se connaît plus, l'acheva dans le public. On sentit que l'enfant était fort mal placé dans les mains d'un vieillard qui tombait en enfance. Quels quefussent le temps et les mœurs, Paris avait trop de sens pour ne pas sentir le danger de laisser le roi avec une telle famille. La thèse s'était retournée. Le Régent, cet empoisonneur, gardait le petit roi, le défendait et le sauvait, Villeroi, le sauveur, exposait, par sa négligence, ses mœurs, sa vie elle-même.
On ne pouvait pourtant procéder régulièrement. On supposait que l'enfant y tenait. Il fallait brusquement l'en détacher et l'enlever. On chercha un prétexte. Il n'y en avait que trop, et d'excellents. Le vieux sot continuait son outrageante comédie de défendre la vie du roi, d'enfermer son pain et son beurre, de veiller ses tartines, ses mouchoirs, etc. Si le Régent voulait lui parler bas, il fourrait sa tête entre-deux. Le dimanche 12 août, le Régent prie le roi de passer avec lui dans un cabinet. Villeroi s'y oppose. Mais le Régent, ordinairement si patient, s'indigne, l'admoneste et sort. L'insolent en triomphe; puis, prend peur tout à coup, et dit qu'il ira le lendemain s'expliquer chez le prince. C'est ce qu'on attendait. En y entrant, il est désarmé et saisi, emballé dans une litière qui descend lestement l'escalier de l'Orangerie, de là dans un carrosse, qui le mène furieux à Villeroi, où, par égard pour l'âge, on lui permet de reposer (13 août).
Villeroi croyait que l'affaire aurait grand effet dans Paris. Elle en eut, mais de rire et de plaisanterie. «C'est encore sa nuit de Crémone, disait-on, il est toujours pris.» On s'étonnait seulement de la vaillance de Dubois. Dubois et le Régent étaient faits aux affronts. Et très-probablement ils auraient encoreavalé celui-ci, si l'aile Nord de Versailles, le sombre côté des Condés, n'eût été occupée, n'eût pesé fortement sur l'aile du Midi. Quoiqu'il n'y eût ni cour ni, courtisans; que Dubois, le Régent eussent compté sans doute être seuls avec le petit monde du roi, M. le Duc, surintendant de l'éducation royale, se souvint de ce titre, qu'il semblait avoir oublié, vint prendre position sur le champ de combat. Quand je dis lui , je dis son âme, sa violence, qui le faisaient marcher, sa madame de Prie. Poussé d'elle, il poussa. Il obligea Dubois et le Régent de se tenir vraiment pour insultés, les empêcha de se calmer, leur dit: «Si on le souffre, il ne reste plus qu'à s'en aller, et mettre la clef sous la porte.» Donc ils débarrassèrent M. le Duc de l'homme qui eût pu le gêner à la majorité.
Restait le précepteur Fleury, auquel on n'avait pas songé. Il ne laissa pas que d'embarrasser. Il avait promis à Villeroi que, s'il partait, il partirait. Il crut décent de tenir sa promesse, du moins de faire semblant. Il disparut. Le roi se trouva seul, pleura, ne mangea pas. Dubois et le Régent sont aux abois. Où est Fleury? comment trouver Fleury? Il était à deux pas. Sur l'ordre du roi, il revient, ayant suffisamment établi à quel point il est nécessaire. [Retour à la Table des Matières]
CHAPITRE XXIV
FIN DE DUBOIS ET DU RÉGENT [9]
1722-1723
Deux choses ressortaient de la situation. D'une part, que dans un gouvernement tellement idolâtrique et fétichiste, tout était dans la main de celui qui tenait l'idole, savait la faire parler. Mais, d'autre part, qui était celui-là? Un vieux prêtre, plus que prudent,qui, dans sa longue vie, n'avait fait autre chose que céder, obéir, se faire humble et petit. Combien facilement intimiderait-on un tel homme? La misérable mécanique, le très-faible ressort d'un enfant mû par cette main débile et tremblotante, n'allaient-ils pas être forcés par la brutalité de celui qu'on voyait venir?
Le souple Fleury céderait. Dubois, le Régent, qu'étaient-ils? Usés d'âge ou de maladies, Dubois d'anciennes, le Régent de nouvelles. Ce n'est pas certes à la légère que celui-ci réforma sa
Weitere Kostenlose Bücher