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Histoire de France

Histoire de France

Titel: Histoire de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques Bainville
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n’hésita pas plus à recevoir de l’héritier de la Révolution des dépouilles des princes-évêques que la Prusse protestante et libérale à prendre des mêmes mains des cités indépendantes. Cette simplification du chaos germanique, qui commençait la ruine du traité de Westphalie et qui faisait la part belle à la Prusse, devait avoir des conséquences funestes pour nous en agrandissant en Allemagne les plus forts aux dépens des plus faibles. Napoléon ne pensait pas plus à ce choc en retour qu’au danger de rapprocher les membres épars de la nation germanique.
    Cette combinaison impliquait de la part de Napoléon la croyance à un état de choses durable en Europe. Plus significative encore était sa préoccupation de rendre des colonies à la France : elle attestait sa confiance dans la solidité de la paix d’Amiens. Il avait obligé notre alliée l’Espagne à lui rétrocéder la Louisiane en échange de l’Étrurie constituée en royaume pour un infant. Il entreprenait de reconquérir Saint-Domingue, aujourd’hui Haïti, la perle des Antilles, qui avait si longtemps fourni la France de sucre et de café, et qui, sous la Révolution, après une anarchie et des massacres épouvantables, était passée aux mains des noirs. Tous ces projets n’attestaient qu’un dessein, celui de s’installer dans la paix, celui de jouir des agrandissements immenses que la France avait reçus.
    Mais il fallait mal connaître l’Angleterre pour se figurer qu’elle se résignerait à nous laisser reconstituer un empire colonial, reparaître sur les mers, possesseurs des plus belles côtes et des plus beaux ports depuis Rotterdam jusqu’à Gênes. Dès que la France aurait une marine, et elle travaillait à en reconstituer une, elle deviendrait un concurrent redoutable. On dira, et c’est ce que le gouvernement français ne manquait pas de représenter, que ces raisons, ces craintes auraient dû empêcher l’Angleterre de signer la paix d’Amiens, que rien n’était changé depuis 1802. Ce qui avait changé, c’étaient les dispositions du peuple anglais, celles des commerçants surtout qui s’apercevaient que l’expansion de la France leur avait enlevé en Europe une vaste clientèle. Le chômage, ce cauchemar de l’Angleterre, apparaissait et l’effrayait tandis que les politiques, dont Pitt restait le chef, étaient bien résolus à ne jamais accepter les agrandissements de la France. Ils profitèrent de cet état d’esprit pour exercer une pression sur le ministère Addington et, cherchant le prétexte d’une rupture et de la guerre, l’empêchèrent d’évacuer Malte, comme il s’y était engagé par le traité d’Amiens. Pendant plusieurs mois, l’affaire de Malte donna lieu à des négociations orageuses. Le Premier Consul, auquel la reprise des hostilités avait fini par apparaître comme inévitable, aurait voulu au moins les différer. D’accord avec Talleyrand, son ministre des Affaires étrangères, il offrit plusieurs transactions. Le gouvernement britannique resta intraitable : son parti était pris. Même si on lui laissait Malte, ce qui ouvrait une brèche dans le traité d’Amiens, le conflit renaîtrait sur un autre point. Au mois de mai 1803, la rupture était consommée.
    Nous touchons ici à l’enchaînement des circonstances qui allaient rendre possible l’établissement de l’Empire. La France et l’Angleterre étaient en état de guerre, mais sans moyens de s’atteindre. Nos côtes étaient inutilement canonnées et le Premier Consul, reprenant le projet, déjà deux fois abandonné, d’envahir l’Angleterre et d’y transporter une armée sur des flottilles de bateaux plats, formait un camp à Boulogne. Ces préparatifs demandaient du temps et, pendant ce temps, la lutte recommençait avec les armes ordinaires. Les royalistes irréductibles reçurent de Londres encouragements et subsides. Georges Cadoudal débarqua en France et, d’accord avec le général Pichegru, complota de tuer le Premier Consul. Il réussit même à compromettre un autre général jaloux de Bonaparte, l’illustre Moreau. Cette conspiration, découverte, irrita profondément le Premier Consul. On peut dire qu’elle fut aussi pour lui un trait de lumière. Il se plaignit tout haut de l’ingratitude des émigrés, affecta un langage républicain, publia qu’on voulait frapper la Révolution dans sa personne. Il conçut même une idée qui était la négation de la politique qu’il

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