Histoire de France
lorsqu’on accuse Philippe de Valois d’avoir été un féodal, un réactionnaire entêté de chevalerie. Édouard III, lui aussi, suivait les traditions, les symboles et les usages chevaleresques : on lui « présenta le héron » avant son départ pour la France et l’on sait son mot, à Crécy, sur les éperons du petit Prince Noir. C’était la part de la mode et de la littérature.
Si Philippe VI n’a eu qu’une armée féodale à opposer a l’armée anglaise, c’est qu’il n’avait pu en avoir d’autre. Édouard III, par de longs préparatifs, avait formé une armée presque moderne, munie d’artillerie, de tout le nouveau matériel du temps. Ses soldats servaient obligatoirement, portaient uniforme. La flotte de guerre, la défense des côtes, les approvisionnements : tout avait été soigné. Les marchands anglais n’avaient refusé aucun crédit.
Rien de pareil en France. De l’argent ? Le contribuable crie. Philippe VI dut essayer de s’en faire par des moyens médiocres et d’un rendement douteux, par le pape et la promesse d’une croisade. La marine de Philippe le Bel ? Elle n’a plus d’équipages exercés et elle se délabre. Le service militaire ? Les communes s’en rachètent. La noblesse, qui le doit, demande des indemnités. La France n’est pas dans de bonnes conditions…
Plusieurs années se passèrent avant l’engagement décisif. Les adversaires se tâtaient. Édouard III intervenait dans nos affaires, celle de la succession d’Artois, celle de la succession de Bretagne. Nous prêtions secours contre lui au roi d’Écosse. Enfin la Flandre, longtemps hésitante, se rangea du côté des Anglais. Édouard y trouva un homme à lui, un grand brasseur de Gand, Jacques Artevelde, qui devint le véritable maître du pays flamand. Les hostilités s’ouvrirent sur mer et la flotte française paya des années d’incurie. Elle fut détruite en 1340 à la funeste bataille de l’Écluse : la guerre de Cent Ans a commencé par ce désastre, par l’équivalent de Trafalgar. Désormais, l’Angleterre est maîtresse des routes maritimes. Elle envahira la France où et quand elle voudra.
Cependant, cette campagne de Flandre tourna court. Édouard III craignit de s’engager trop loin en pays français, et Philippe VI, sagement, refusa la bataille. Un soulèvement populaire, où Jacques Artevelde périt, rendit la Flandre moins sûre pour les Anglais. Ils tentèrent alors une diversion par la Bretagne où Jean de Montfort revendiquait son duché contre Charles de Blois, soutenu par la France. Guerre dynastique en apparence, mais où se manifestait le particularisme breton. Le roi d’Angleterre prit le parti de Montfort : cette intervention ne le mena à rien. L’attaque par les deux ailes, Flandre et Bretagne, avait échoué. Alors il acheva ses apprêts, mit au point son armée et, la mer étant libre, débarqua dans le Cotentin.
Ce fut l’invasion d’un pays sans défense. D’un trait, l’armée anglaise traversa la Normandie, pillant les villes ouvertes. Elle remonta la Seine, menaça Paris. Philippe VI, pendant ce temps, inquiétait l’ennemi du côté de la Guyenne. Il remonta en hâte avec son armée et son approche détermina Édouard, qui se sentait bien en l’air, exposé à une aventure, à s’en aller au plus vite vers le Nord. Plusieurs fois sa retraite faillit être coupée, tant qu’il dut se résoudre à faire tête, croyant tout perdu. En somme, il redoutait l’armée française, il ne se fiait pas assez à la supériorité de ses moyens. Il avait pourtant l’avantage de la tactique et du matériel. Le calcul et l’organisation l’emportèrent sur l’imprudence d’une vaine bravoure dans la fatale journée de Crécy : notre principale force militaire y fut détruite (1346). Édouard III put assiéger et prendre Calais. Pendant deux siècles, l’Angleterre gardera cette « tête de pont ».
Édouard III ne poursuivit pas ses avantages. La guerre coûtait cher, les armées étaient peu nombreuses, ce qui rendait prudent. Une trêve, plusieurs fois renouvelée, fut signée avec la France. Elle durait encore lorsque Philippe VI mourut en 1350. La défaite de Crécy, la première grande défaite de la royauté française, avait eu un effet détestable. Elle tombait sur un mauvais terrain. Un historien a pu dire qu’à l’avènement de Jean le Bon « la trahison était partout ». L’obéissance, nulle part. Déjà, un traître, le
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