Histoire de France
trouvé » et les Anglais : l’usurpateur. Quelque chose en restera, un certain discrédit qui sera manifeste dans la quasi-révolution d’Étienne Marcel. Si peu que la monarchie française soit contestée, elle l’est : Charles le Mauvais n’eût pas été possible au siècle précédent. Dans ces fâcheuses circonstances, où la fortune abandonne pour la première fois les Capétiens, il y a le germe des prochaines calamités.
Chapitre 6 La guerre de cent ans et les révolutions de Paris
À cet endroit de notre histoire nationale, tournons la tête en arrière. En trois siècles et demi, avec des moyens d’abord infimes, les Capétiens sont arrivés à des résultats considérables. La France qu’ils ont formée a déjà grande figure. Ce n’a pas été commode tous les jours. Il s’en faut de beaucoup que nos rois aient fait tout ce qu’ils auraient voulu. Parfois ils se sont trompés n’étant pas infaillibles. Souvent aussi, ils ont rencontré la résistance du dehors, et celle, non moins redoutable, du dedans. Le sentiment de l’intérêt général n’était pas plus répandu dans ces temps-là que de nos jours et les intérêts particuliers ne s’immolaient pas plus volontiers qu’aujourd’hui.
Un concours de circonstances favorables avait permis do conjurer le péril anglais et le péril allemand. L’Allemagne et l’Angleterre avaient été divisées, diverties, rendues inoffensives par des luttes intérieures auprès desquelles les nôtres n’étaient rien. Pour longtemps encore l’Allemagne est hors de cause. Il n’en est plus de même de l’Angleterre. La folie furieuse des Plantagenets, l’agitation des barons pour obtenir la Charte, le mécontentement, si tragiquement terminé, contre Édouard II : ces circonstances avaient affaibli la royauté anglaise. Elles avaient permis aux Capétiens de refouler dans le Sud-Ouest l’État anglo-normand déchu de sa splendeur. Mais, de sa dernière crise, la monarchie anglaise sortait plus forte. On eût dit qu’elle s’était retrempée dans le régicide. L’Angleterre, avec Édouard III, a un gouvernement. En outre, elle est devenue un pays d’industrie et de commerce qui a besoin de marchés et de colonies. La France est à portée de sa main et la France est riche. Un irrésistible instinct pousse à la conquête l’Angleterre affranchie de ses dissensions.
La France est prospère : le butin de l’armée d’Édouard en témoignera. De longues années d’organisation et de paix ont permis aux Français d’accumuler des richesses. Michelet en convient : « L’État florissant où les Anglais trouvèrent le pays doit nous faire rabattre beaucoup de tout ce que les historiens ont dit de l’administration royale au quatorzième siècle. » Laborieux, économes, paysans et bourgeois de France sont toujours pareils à eux-mêmes. Ils ne se doutent pas que leur terre est enviée, que les richesses ne se gardent pas toutes seules, que l’or attire la conquête. Ils ne comprennent pas que certains sacrifices sont utiles, qu’il ne faut pas lésiner sur la prime d’assurance nationale. Dans ce pays riche, quel mécontentement contre les impôts ! C’est presque une révolution à la fin du règne de Philippe le Bel. Ses fils ont dû céder sur la question d’argent. Toutefois, Philippe de Valois trouve encore une brillante situation européenne, des alliés sur le continent, des cousins qui règnent à Naples et en Hongrie, trois rois à sa cour, dont celui de Bohême. Vraiment il semblerait que la France n’eût rien à craindre. Quand Édouard reprend la vieille méthode anglaise, essaie de liguer contre la France les princes d’Allemagne et des Pays-Bas, Philippe VI, d’un geste, disperse cette coalition. Il est si bien parti qu’il trouvera encore le moyen d’acquérir Montpellier et le Dauphiné, d’où les fils aînés des rois de France prendront le titre de dauphins. Le comte de Flandre est cette fois bon Français et ses Flamands, insoumis, sont battus à Cassel (1328). L’Angleterre n’a pas d’alliés. Si les marchands de laine anglais veulent entrer en France, il faudra qu’ils se résignent à prendre eux-mêmes le harnois.
On voit la liaison des événements depuis Philippe le Bel. Le grand conflit tourne toujours autour de la Flandre. Par la Flandre, l’Anglais cherche à nous atteindre et nous cherchons à atteindre l’Anglais. On n’éclaircit pas les causes de nos prochains désastres
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