Histoire de France
Calais. Mais, sauf Turin, elle renonçait à l’Italie. C’est ce qui a fait que le traité de Cateau-Cambrésis n’a pas été plus glorieux. Les militaires regrettaient ces campagnes d’Italie qui rapportaient de l’avancement et du butin, et ils déclarèrent que l’abandon de tant de conquêtes était une honte. Les mémoires de Montluc sont pleins de ces protestations. Elles ont été répétées. Il est curieux que l’histoire, au lieu d’enregistrer les résultats, se laisse impressionner, même à longue distance, par des hommes qui n’ont pris la plume, comme c’est presque toujours le cas des auteurs de mémoires, que pour se plaindre on se vanter.
Henri II mourut d’accident sur ces entrefaites (1559). Aux fêtes données pour la paix, le roi prit part à un tournoi où la lance de Montgomery lui entra dans l’œil. La mort de ce prince énergique et froid tombait mal. Il ne laissait que de jeunes fils à un moment où la France se troublait. Comme toujours, de si longues années de guerre, qui avaient été pourtant des guerres de salut national, avaient été coûteuses. Elles avaient accablé les finances, atteint les fortunes privées. Il avait fallu multiplier les emprunts et les impôts, tirer argent de tout, vendre les charges publiques. Déjà, au début du règne d’Henri II les provinces du sud-ouest s’étaient soulevées contre la gabelle et l’insurrection avait pris un caractère révolutionnaire, dont témoigne le célèbre pamphlet contre les tyrans, le Contre un de la Boétie, l’ami de Montaigne. Ce « cri républicain » sera bientôt repris par les calvinistes, tout d’abord respectueux de l’autorité et des pouvoirs établis, comme Luther et Calvin lui-même l’avaient recommandé. Qu’il y eût, au fond de la Réforme, un levain politique, un principe d’insurrection, c’est ce qui n’est guère douteux. En Allemagne, la grande révolte des paysans de Souabe, puis le soulèvement des anabaptistes de Münster, qui professaient le communisme, avaient coïncidé avec la prédication protestante. Si la France semblait beaucoup plus réfractaire à la Réforme, qui ne s’y propageait qu’avec lenteur, toutefois l’avilissement de l’argent, la cherté de la vie, conséquences de la guerre, et peut-être aussi de l’afflux subit de l’or américain, avaient créé du mécontentement, un terrain favorable à l’opposition politique, en appauvrissant les classes moyennes. Ce fut, chez nous, le grand stimulant du protestantisme, auquel adhérèrent surtout la bourgeoisie et la noblesse, tandis que la population des campagnes, que la crise économique n’avait pas atteinte, resta indemne. Quant à ceux que leur tournure d’esprit, des raisons intellectuelles ou mystiques avaient convertis à la religion réformée, ils furent ensuite entraînés dans le mouvement de la guerre civile : la distinction entre « huguenots de religion » et « huguenots d’État » ne tarda guère à s’effacer.
François Ier avait déjà dû s’occuper des protestants dont la prédication causait des désordres. Sous Henri II, les incidents se multiplièrent. Il y en eut de graves à Paris, où la foule assaillit une réunion que les réformés tenaient au Pré-aux-Clercs. Des Églises naissaient un peu partout, à l’exemple de celle que Calvin fondait à Genève, et les persécutions, voulues par l’opinion publique, poussaient comme toujours les convertis à proclamer leur foi et à chercher le martyre. Ces symptômes étaient inquiétants. Il était clair que la France allait se couper en deux, clair aussi que la résistance du peuple catholique serait plus forte que la propagande calviniste. Contre les hérétiques, la foule exigeait des supplices, ne les trouvait jamais assez durs. Michelet doit le noter : « On s’étouffait aux potences, aux bûchers, l’assistance dirigeait elle-même et réglait les exécutions. » D’autres signes apparaissaient, propres à préoccuper un gouvernement : deux partis se formaient dans tous les corps de l’État. Dans l’armée, Guise et Coligny s’opposaient. Au Parlement, une chambre acquittait les protestants, l’autre les condamnait au feu. La magistrature se discréditait. Pour mettre fin au scandale, Henri II tint au Parlement une séance solennelle qui tourna en un scandale pire. Un des conseillers, Dubourg, nouveau converti, défia le roi, le compara bibliquement au tyran Achab. Séance tenante, Henri II fit
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