Histoire de France
capables de soutenir un siège, La Rochelle, Saumur, Montauban, Montpellier. Et ces places de sûreté devaient être entretenues aux frais du Trésor, c’est-à-dire par tous les contribuables, même catholiques. En outre, avec leur synode et leurs assemblées, les calvinistes gardaient les organes d’un gouvernement, une autonomie, ce qu’on a pu définir une « république autorisée ». Un pareil démembrement de la souveraineté publique serait inconcevable de nos jours. Même alors, quand le régime des privilèges et des franchises était couramment admis, les concessions accordées au parti protestant parurent fortes. Il ne devait pas tarder à paraître qu’elles étaient dangereuses. Ces conditions s’accordaient mal, de part et d’autre, avec l’idée de tolérance. Henri IV signa sans doute avec l’espoir que c’était un premier pas, que l’apaisement définitif viendrait… Il dut surtout considérer que le parti protestant était toujours capable de mettre sur pied vingt-cinq mille soldats et de reprendre la guerre. Les huguenots lui avaient arraché l’Édit de Nantes par la force comme la Ligue lui avait arraché sa conversion. L’opinion publique ne s’y trompa pas et l’Édit ne passa qu’avec peine : c’était l’annonce de la future révocation. Il fallut, pour obtenir l’enregistrement, que le roi négociât, que le traité subît des retouches, enfin qu’il agît sur les Parlements soit par son éloquence, soit par autorité. Celui de Rouen ne s’inclina tout à fait qu’en 1609.
Henri IV qui connaissait et craignait ses anciens coreligionnaires, ne fut tranquille que quand il eut donné une sévère leçon à leur protecteur, le duc de Bouillon, qui, par sa principauté de Sedan, alors hors de France, pouvait être redoutable. Cependant une autre leçon avait été administrée au duc de Savoie qui continuait à convoiter nos provinces du sud-est. Une brillante campagne nous valut la Bresse, le Bugey et Gex, tandis que la France, en renonçant au marquisat des Saluces, marquait qu’elle renonçait aux aventures d’Italie. La politique des agrandissements reprenait, la politique traditionnelle, patiente, mesurée, observant la loi de l’utile et du possible, celle que Richelieu définira : « Achever le pré carré. » Le roi améliora encore sa position européenne en épousant Marie de Médicis, apparentée à la maison d’Autriche et au pape Clément VIII, et la reine, en donnant un héritier au trône, abolissait la crainte d’une autre succession protestante, ainsi que d’une ligue nouvelle. Après tant de traverses, la monarchie se consolidait.
En même temps, peu à peu, revenaient le calme et l’ordre. Aux premières années du dix-septième siècle, le passif du seizième commençait à se liquider. Le relèvement économique et financier alla du même pas que le relèvement politique. Avec Sully, type nouveau de l’homme d’affaires protestant, Henri IV travailla à rétablir la fortune de la France. Le délabrement du pays, le désordre de l’administration, l’appauvrissement des familles, étaient immenses. Lorsque le roi souhaitait que chacun pût, le dimanche, mettre la poule au pot, il évoquait des années de privations. Lorsque Sully disait l’autre mot célèbre : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France », il partait de cette idée juste que l’agriculture est la source de notre richesse. On reconstruisit, comme on reconstruit toujours, avec du bon sens, par le travail et l’épargne, avec des principes paysans et bourgeois. Sur sa base agricole, sa terre qui récompense toujours le labeur, la France refit de la richesse. Comme on dit, les affaires reprirent. Des industries, encouragées par le gouvernement, se fondèrent. L’esprit d’entreprise se ranima et nos Dieppois commencèrent nos colonies.
La France se reconstituait, elle reprenait des forces au moment où l’Europe avait besoin d’elle. Ce qui nous avait sauvés, pendant nos déchirements, c’était la rivalité de l’Angleterre et de l’Espagne, c’était la lutte des Pays-Bas contre leurs maîtres espagnols, c’était l’effacement de l’Empire germanique. Depuis que Charles Quint avait disparu, les Habsbourg de Vienne, tout en gardant la couronne impériale, n’avaient plus de pouvoir réel en Allemagne. L’indépendance des princes allemands, les progrès du protestantisme, le conflit des religions avaient divisé l’Allemagne
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