Histoire de France
les rebelles que de courir le risque d’une guerre civile. Elle les apaisa par des places et des pensions, et, comme ils avaient réclamé des états généraux dans leur manifeste, elle les prit au mot, non sans avoir eu soin de montrer le jeune roi qui parcourut les provinces de l’Ouest encore agitées par Vendôme. Au retour de ce voyage, qui produisit une impression excellente, Louis XIII fut déclaré majeur et les états furent convoqués à un moment où, le gouvernement s’étant raffermi, la manœuvre des princes tournait contre eux.
Les états généraux de 1614 seront les derniers avant ceux de 1789. Ils discréditèrent l’institution parce que l’idée du bien général en fut absente, tandis que chacun des trois ordres songea surtout à défendre ses intérêts particuliers. La noblesse s’en prenait à la vénalité et à l’hérédité des charges qui constituaient une autre aristocratie : car le tiers état était en réalité la noblesse de robe. La célèbre querelle de la Paulette, qui remplit les débats, fut une querelle de classes qui irrita les familles parlementaires, menacées dans la propriété de leurs offices. Quant au clergé, son orateur fut le jeune évêque de Luçon, Armand du Plessis de Richelieu, l’homme de l’avenir. Richelieu se plaignit que son ordre fût éloigné des fonctions publiques alors que les ecclésiastiques étaient « plus dépouillés que tous autres d’intérêts particuliers ». Ainsi Richelieu posait adroitement sa candidature et le spectacle qu’avaient donné la noblesse et le tiers justifiait son langage. Des trois ordres, c’étaient d’ailleurs les deux premiers que le gouvernement redoutait le plus à cause de leur indépendance tandis que le tiers ; tout aux questions matérielles, était beaucoup plus docile. On s’empressa de fermer les états après avoir promis de supprimer la vénalité des charges. Ce que le gouvernement se promettait surtout à lui-même, c’était de ne plus convoquer d’états généraux.
La mauvaise réputation de Concini, qui, malgré le témoignage favorable de Richelieu, a traversé l’histoire, vient de la cabale des Parlements qui, à partir de ce moment, s’agitèrent. L’hérédité des charges était sans doute un abus. La bourgeoisie, qui en profitait, y était attachée. Pour défendre ce qu’ils considéraient comme leur bien, les Parlements firent de la politique. Dans leurs remontrances, ils attaquèrent le Florentin Concini, comme ils attaqueront plus tard Mazarin avec lequel il eut des ressemblances. Cette agitation des gens de robe, qui affectaient de parler au nom du bien public, entraîna celle des princes qui entraîna à son tour celle des protestants. C’est au milieu de ces désordres que Concini appela aux affaires des hommes énergiques, parmi lesquels Richelieu, qui fut nommé secrétaire d’État à la Guerre et se mit en mesure, comme il l’annonça aussitôt, de « châtier les perturbateurs ».
Quand ce ne serait que pour avoir inventé Richelieu, Concini ne devrait pas passer pour un si mauvais homme. Son tort fut d’aimer l’argent autant que le pouvoir et, par là, de se rendre impopulaire. Dans la haute fortune qu’il devait à la faveur de Marie de Médicis, il manqua aussi de tact et de prudence et il humilia le jeune roi en affectant de le tenir à l’écart des affaires. Louis XIII venait d’atteindre seize ans. Il se confia à un gentilhomme provençal, de sa maigre suite, Charles d’Albert de Luynes, qui n’eut pas de peine à le convaincre que son autorité était usurpée par le maréchal d’Ancre. Mais comment renverser le tout-puissant Florentin, maître du gouvernement, des finances et de l’armée ? Il n’y avait d’autre ressource que l’audace. Le 24 avril 1615, au moment où Concini entrait au Louvre, il fut arrêté au nom du roi par Vitry, capitaine des gardes, et, comme il appelait à l’aide, tué à coups de pistolet. « Je suis roi maintenant », dit Louis XIII à ceux qui le félicitaient. Et il congédia les collaborateurs du Florentin, Richelieu lui-même, auquel il adressa de dures paroles que Luynes s’empressa d’atténuer, devinant l’avenir de l’évêque de Luçon. Marie de Médicis fut éloignée.
Depuis la mort d’Henri IV, quel que fût l’homme au pouvoir, la politique ne changeait guère. Comme les autres, Luynes voulut éviter les aventures et un conflit avec l’Espagne, au-dedans maintenir l’ordre,
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