Histoire de France
deux gentilshommes qui avaient bravé l’édit sur les duels allèrent à l’échafaud. Pour prévenir de plus grands désordres, Richelieu, approuvé par Louis XIII, rétablissait d’une main rude la discipline dans le royaume.
La position de la France en Europe n’en était pas moins difficile. Richelieu, inquiet de ce qui se passait à l’intérieur, s’était hâté de conclure la paix avec l’Espagne ; alors les Anglais se retournèrent contre nous. Il est vrai que Richelieu, reprenant les projets d’Henri IV, avait conçu l’idée de rendre une marine à la France : depuis bientôt cent ans nous n’en avions plus et il nous en fallait une pour achever le grand dessein contre l’Espagne auquel Richelieu ne renonçait pas. Il en fallait une aussi pour que la France tînt sa place à côté des puissances maritimes, l’Angleterre, la Hollande, qui grandissaient et commençaient à se disputer les colonies. Il en fallait une enfin pour venir à bout des protestants qui, du port de La Rochelle, mettaient en échec l’État désarmé sur l’Océan.
Tout cela distrayait la France, qui ne pouvait être partout, de l’affaire essentielle, celle d’Allemagne. Jamais nous ne fûmes amant partagés entre la terre et la mer. Mais d’abord il fallait en finir au-dedans avec la rébellion calviniste, avec « ces enragés », comme les appelait Malherbe. Les Anglais, descendus dans l’île de Ré pour leur porter secours, en furent heureusement chassés. On dut encore réduire La Rochelle par un long siège, qui est resté fameux et où Richelieu montra sa ténacité. Du succès de cette entreprise, tout le reste dépendait. Lorsque La Rochelle eut capitulé, après un nouvel échec des Anglais, ce fut un jeu de prendre les dernières places rebelles du Midi. L’année 1629 marqua la défaite finale du protestantisme comme parti politique et comme État dans l’État.
Délivré de ce péril intérieur, Richelieu eut encore à défendre sa situation personnelle contre l’opposition qui se groupait autour de Monsieur et de la reine mère. Assuré de l’appui de Louis XIII après la « journée des Dupes », Richelieu n’en eut pas moins à combattre les intrigues et les cabales auxquelles le frère du roi se prêtait. Cette période offre une singulière ressemblance avec le règne de Louis XI, et Louis XIII eut les mêmes rigueurs pour les séditieux : le maréchal de Montmorency, gouverneur du Languedoc, qui avait pris fait et cause pour Gaston d’Orléans, eut la tête tranchée. Jusqu’à la fin du règne, il y aura, avec un caractère plus ou moins grave, de ces complots et de ces rébellions que l’Espagne encourageait et qui sont, pour ainsi dire, inséparables de toute grande action à l’extérieur, car c’est un moyen d’attaque ou de défense de l’ennemi. La défaite du parti protestant était pourtant le soulagement principal. Les autres agitations, les autres diversions, aristocratiques et princières, en étaient rendues moins dangereuses. Et nous qui jugeons l’œuvre de Richelieu par les résultats, nous pensons que le grand ministre, qui est venu à bout de telles difficultés, a dû vivre au milieu du respect, de l’admiration et de la gratitude. Mais si la prise de La Rochelle fut populaire, on est surpris des murmures qu’excita l’exécution de Montmorency, comme plus tard celle de Cinq-Mars et de son complice de Thou. De même que les victimes de Louis XI, celles de Richelieu ont paru touchantes. Elles sont devenues des figures de roman. « Le peuple, disait le cardinal, blâme quelquefois ce qui lui est le plus utile et même nécessaire. »
L’ordre se trouva enfin à peu près rétabli (et ce concours de circonstances explique les succès futurs) au moment où nous ne pouvions plus nous dispenser d’intervenir en Allemagne. Contre les progrès de la maison d’Autriche, qui reprenait l’œuvre d’unification de Charles Quint, les princes protestants avaient d’abord été secourus par les Danois. Le Danemark vaincu, la Suède prit sa place. Gustave-Adolphe, champion du protestantisme, remporta sur les armes impériales d’éclatantes victoires qui retardaient d’autant l’heure où la France elle-même devrait s’en mêler. Cependant Gustave-Adolphe donnait à cette guerre un caractère de religion qui ne plaisait qu’à demi à Richelieu. Il apparaissait comme le champion de la Réforme et si Richelieu cultivait contre l’empereur Ferdinand les
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