Histoire de France
alliances protestantes, il ne se souciait pas d’accroître en Europe la puissance politique du protestantisme et de réunir tout ce qui était catholique autour de la maison d’Autriche. Il y avait une balance à tenir. Pourtant, lorsque Gustave-Adolphe eut été tué dans sa dernière victoire, celle de Lutzen, en 1632, un précieux auxiliaire disparut. Richelieu répugnait toujours à entrer directement dans la lutte : il en coûtait moins d’entretenir les ennemis de l’Empereur par des subsides. Pendant deux années encore, Richelieu recula le moment de prendre part à la guerre. La ligue protestante d’Allemagne, appuyée par les Suédois, tenait toujours. Le grand et puissant général des Impériaux, le célèbre Wallenstein, étaiten révolte contre Ferdinand et presque roi au milieu de son armée. Richelieu espérait qu’à la faveur de ces événements il avancerait jusqu’au Rhin et réaliserait ce qu’il appelait son « pré carré ». En effet la Lorraine, dont le duc se prêtait aux intrigues de Gaston d’Orléans, fut occupée. Richelieu mit des garnisons en Alsace dont les habitants avaient réclamé la protection de la France, craignant que leur pays ne servît de champ de bataille aux deux partis qui se disputaient l’Allemagne. Mais Wallenstein fut assassiné et l’autorité impériale se raffermit. L’Espagne mit sa redoutable infanterie à la disposition de l’Empereur. Les Suédois commencèrent à reculer. La ligue protestante fut battue à Nordlingen. La France devait s’en mêler ou abandonner l’Europe à la domination de la maison d’Autriche.
On était en 1635. Il y avait vingt-cinq ans que la France écartait la guerre. Cette fois, elle venait nous chercher et Richelieu dut s’y résoudre. Et l’on vit, comme au siècle précédent, quelle grande affaire c’était que de lutter contre la maison d’Autriche. Après quelques succès, dans les Pays-Bas, nos troupes furent débordées et l’ennemi pénétra en France. La prise de Corbie par les Espagnols en août 1636 rappela que notre pays était vulnérable et Paris dangereusement voisin de la frontière. Louis XIII et Richelieu restèrent dans la capitale, ce qui arrêta un commencement de panique et aussitôt il se produisit un de ces mouvements de patriotisme dont le peuple français est coutumier, mais qu’on avait cessé de voir pendant les guerres civiles. L’ « année de Corbie » a beaucoup frappé les contemporains. La France y donna en effet une preuve de solidité. Elle prit confiance en elle-même. C’est l’année du Cid, l’année où Richelieu fonde l’Académie française. L’annonce du siècle de Louis XIV est là.
Cependant l’ennemi était sur notre sol. Il fallut le chasser de Picardie et de Bourgogne avant que Richelieu pût se remettre à sa grande politique d’Allemagne. Surtout il était apparu que, contre les forces organisées dont la maison d’Autriche disposait, la France ne pouvait pas pratiquer cette politique sans avoir une armée et une marine. Richelieu travaillait sans relâche à les lui donner. Il fut un grand homme d’État non pas tant par ses calculs et ses desseins que par l’exacte appréciation des moyens nécessaires pour arriver au but et des rapports de la politique et de l’administration intérieures avec la politique extérieure. C’est ainsi qu’il finit par réussir dans une entreprise où la France se heurtait à plus fort qu’elle.
Des campagnes difficiles mais heureuses et marquées par la prise de Brisach et celle d’Arras, les succès de nos alliés protestants en Allemagne, la révolte des Catalans et dm Portugais contre le gouvernement espagnol, circonstance dont sut profiler la politique de Richelieu : ces événements favorables à notre cause rétablirent peu à peu l’égalité des forces. Jusque chez lui, le roi d’Espagne reculait. C’est alors que le Roussillon fut occupé et nous n’en sortirons plus. Envahie en 1636, la France, en 1642, avait avancé d’un large pas vers ses frontières historiques du Rhin et des Pyrénées. Rien n’était pourtant achevé, la guerre continuait du côté allemand et du côté espagnol, lorsque, cette année-là, le cardinal mourut. Cinq mois après Louis XIII le suivit dans la tombe. Ces deux hommes unis par la raison d’État, on peut dire par le service et non par l’affection, ne peuvent plus, pour l’histoire, être séparés.
Ce qu’ils avaient demandé à la France, pendant
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