Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
et ravagea tous les
environs de cette ville. Il fit aussi une irruption dans le Maine.
Charles, de son côté, pénétra dans la Bretagne, et reprit Rennes et
Nantes, dont le prince breton s’était emparé. Noménoé, à cette
nouvelle, revint aussitôt en Bretagne accompagné de Lambert :
Charles ne jugea pas à propos d’attendre son ennemi. Les garnisons
qu’il avait laissées dans les deux villes ne se défendirent
point ; elles se rendirent dès la première attaque, et furent
faites prisonnières de guerre. Noménoé et Lambert allèrent aussitôt
assiéger le Mans, dont les habitants furent contraints de se
rendre. Les principaux furent envoyés en Bretagne, et le reste fut
désarmé.
Pour empêcher les Bretons de pousser leurs
conquêtes plus loin, Charles résolut de donner à Robert le Fort le
gouvernement des provinces entre la Seine et la Loire. Cependant
Noménoé, après six mois de repos, traversa l’Anjou, et s’avança
jusqu’à Vendôme. Il était près d’entrer sur le territoire de
Chartres, lorsqu’il fut attaqué d’une maladie qui l’enleva en peu
de jours. Ainsi mourut le plus puissant prince qui eût encore régné
en Bretagne.
Noménoé laissait trois fils : Érispoé,
qui lui succéda ; Gurvand, comte de Rennes, et Pasquiten,
comte de Vannes.
Érispoé était brave, généreux et savant dans
l’art de la guerre. La première année de son règne fut signalée par
une grande victoire qu’il remporta sur Charles le Chauve, lequel,
après la mort de Noménoé, avait pensé que le temps était venu de se
venger des Bretons. L’empereur dut s’estimer heureux d’avoir
conservé la vie et la liberté, et d’accepter la paix que lui dicta
le roi de Bretagne.
Salomon avait toujours témoigné beaucoup de
respect et de soumission à l’égard de Noménoé, son oncle ; et
de son vivant il n’avait point songé à faire valoir les droits de
sa naissance. Mais, après sa mort, il traita Érispoé d’usurpateur,
et prétendit, comme fils du frère aîné de Noménoé, que la couronne
lui appartenait de droit. Charles, à qui il paraissait avantageux
d’entretenir la division en Bretagne, appuya les prétentions de
Salomon, malgré le traité qu’il venait de conclure, et lui adjugea
le tiers de la province. La guerre s’ensuivit entre l’empereur et
Érispoé ; Charles, plus heureux dans celle-ci que dans les
autres, contraignit Érispoé d’abandonner au moins à Salomon le
comté de Rennes.
Comme Salomon aspirait à un plus haut rang,
son ambition fut peu satisfaite du dernier traité conclu en sa
faveur. Cette ambition fut réveillée par l’alliance que Charles
projeta entre Louis son fils, et la fille d’Érispoé, héritière
présomptive de la couronne de Bretagne. Le mariage était près de
s’accomplir, lorsque Salomon forma le plus odieux complot contre
son cousin ; secondé par un seigneur nommé Almar, il attaqua
Érispoé dans une église, et le tua sur l’autel même. Telle fut la
triste fin de ce prince, qui ne régna que six ans.
Charles, à la nouvelle de l’assassinat
d’Érispoé, s’avança en Bretagne avec une armée, pour venger,
disait-il, la mort de son allié ; mais Salomon le gagna
tellement par ses soumissions, que l’empereur lui confirma par un
traité la souveraineté de toute la Bretagne.
Salomon s’efforça de conquérir l’amour de ses
peuples, et de faire oublier le crime auquel il devait le
trône.
Les affaires de France étaient alors dans la
plus grande confusion. Les seigneurs, qui n’obéissaient qu’avec
peine à Charles, résolurent d’appeler Louis roi de Germanie, son
frère, prince qui avait paru jusque alors sage et prudent, et de se
soumettre à lui : ils s’y croyaient autorisés par le testament
de Charlemagne, qui permettait à la nation de se choisir pour
maître celui de ses enfants qui lui plairait davantage. Les chefs
de la conjuration étaient Robert le Fort, Eudes, les deux Hervez,
et un grand nombre d’autres seigneurs, qui se retirèrent auprès de
Salomon et le reconnurent pour leur chef. Ce prince, à la tête des
rebelles, entra dans le Maine avec une armée nombreuse, afin d’en
chasser Louis, fils de Charles. Louis, épouvanté, prit bientôt la
fuite, et mit la Seine entre eux et lui.
Cependant Charles, après avoir tenté
inutilement toutes les voies d’accommodement, résolut enfin de
livrer bataille au roi de Germanie ; mais au moment de
combattre, il se vit abandonné et
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