Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
contraint de fuir en Bourgogne.
L’autorité épiscopale fut son salut ; les évêques refusèrent
de reconnaître Louis, et excommunièrent les seigneurs qui l’avaient
appelé. Le fils de Charles, qui s’était révolté contre son père,
abattu par deux défaites, rentra dans son devoir, se repentit et se
soumit à la correction des évêques, qui l’avaient enveloppé dans
l’excommunication fulminée contre le frère, de Charles. Celui-ci
pardonna à son fils, mais il ne lui rendit point son duché du
Maine ; Louis fut obligé de se contenter du comté de Meaux et
de l’abbaye de Saint-Crépin.
Tous les confédérés que Louis de Germanie
s’était aliénés en laissant les Normands piller le pays, se
soumirent à Charles, quand ce prince eut chassé son frère.
Salomon avait fourni des troupes au fils
rebelle, et Charles le Chauve ne respirait que la vengeance. Il
s’avança donc jusque sous les murs de Laval, où, malgré sa colère,
il dut en venir à un arrangement, quand il se fut bien convaincu de
la contenance énergique de Salomon et de la force réelle de son
armée. Salomon III prit désormais dans ses actes le titre de
roi de Bretagne et d’une grande partie de la Gaule.
En 868, Salomon se joignit à Charles le Chauve
pour assiéger Angers, dont les Normands s’étaient emparés. Cette
expédition, où le prince breton acquit beaucoup plus de gloire que
le roi, se termina par un accommodement. Charles, après avoir
comblé d’éloges Salomon, pour lui témoigner sa reconnaissance
renouvela les traités faits avec lui, lui accorda le titre de roi,
et consentit, sous de légères réserves, à ce qu’il en portât tous
les insignes, comme la couronne et la pourpre, et à ce qu’il fit
battre de la monnaie d’or.
Cependant Salomon, tourmenté par ses remords
au sujet du meurtre d’Érispoé, résolut de faire le voyage de Rome
pour y chercher l’absolution et l’oubli de son crime. Il assembla
donc les états, et leur déclara le projet qu’il avait formé d’aller
trouver le pape, afin de conférer avec lui sur des affaires
importantes. Mais l’assemblée lui ayant représenté que son absence
serait très-préjudiciable à la Bretagne, à cause du voisinage des
Normands, et l’ayant instamment, conjuré de ne point abandonner ses
sujets, le duc se rendit à leurs prières, et changea de résolution.
Il se contenta d’écrire au pape, et de lui envoyer sa statue en or,
afin que cette figure précieuse tint lieu de sa personne et lui
procurât l’absolution.
À la suite d’une grande maladie, Salomon, que
les reproches de sa conscience poursuivaient toujours, résolut de
céder le trône à Wigon, son fils. À cet effet, il convoqua une
assemblée de tous les évêques et de tous les seigneurs de la
Bretagne. Mais la plupart de ces derniers, séduits par les
promesses de Pasquiten, comte de Vannes, et de Gurvand, comte de
Rennes, se réunirent ailleurs, prirent les armes et se révoltèrent
contre leur prince. Pasquiten et Gurvand se mirent à la tête des
rebelles, et marchèrent contre leur souverain, qui, surpris par
leur attaque, fut obligé de s’enfuir et de se retirer dans un
monastère. Wigon fût pris par les conjurés, qui le mirent à mort.
Ils investirent ensuite le monastère où Salomon était entré, et lui
députèrent un évêque pour l’engager à quitter son asile, afin
d’éviter une profanation dont sa résistance pourrait être cause.
Salomon sortit du monastère, ou plutôt de l’église dans laquelle il
s’était réfugié, et parut devant les rebelles avec un visage calme
et majestueux. Les plus animés ne purent soutenir sa vue, et se
sentirent frappés de crainte et de respect : cependant,
revenus de leur première terreur, ils le livrèrent à quelques
Français qui lui crevèrent les yeux. Deux jours après, ce prince
mourut dans sa prison. Quoiqu’il fût monté sur le trône par le plus
horrible de tous les attentats, les Bretons ne laissent pas de
l’honorer comme saint, et de célébrer sa mémoire comme celle d’un
martyr. Ce fut en réalité un grand prince, et si l’ambition lui fit
commettre un crime monstrueux, dans la suite elle contribua à faire
éclater ses vertus.
Après la mort de Salomon, Pasquiten, gendre de
Salomon, et Gurvand, gendre d’Érispoé, se partagèrent la
Bretagne ; mais leur accord ne fut pas de longue durée.
Pasquiten, plus ambitieux que Gurvand, ayant appelé les Normands à
son secours, entra dans
Weitere Kostenlose Bücher