Histoire de la Bretagne ancienne et moderne
la plupart avaient délaissé leur infortuné pays,
et s’étaient réfugiés, les uns en Bourgogne et en Aquitaine, les
autres dans la Grande-Bretagne. Les deux fils d’Alain le Grand se
cachaient dans quelque retraite impénétrable.
Las enfin des cruautés qu’ils exerçaient dans
une contrée en ruines, les Normands quittèrent la Bretagne, mais
pour y revenir bientôt. Vainqueur de la Neustrie et devenu gendre
du roi de France Charles le Simple, Rollon, chef des Normands,
reçut de son beau-père toutes ses prétentions sur le duché de
Bretagne. Charles jugea parfaitement que si le guerrier dévastateur
auquel il venait de donner Gisèle, sa fille, parvenait à soumettre
les Bretons, il acquerrait lui-même, et sans nul danger, un
arrière-fief important ; que si le duc des Normands succombait
dans cette lutte suprême de la Bretagne, il ressaisirait la
Normandie et avec elle l’hommage des portions conquises de la
vieille Armorique ; que si cette contrée se défendait avec
succès, tout resterait dans la situation présente, sans perte ni
gain notable. D’ailleurs les Bretons pouvaient le débarrasser un
jour ou l’autre d’un adversaire redoutable ; cet adversaire
était celui dont il venait de faire son gendre.
L’indignation des Bretons fut au comble quand
ils apprirent que le roi de France les livrait pieds et poings
liés, pour ainsi dire, aux brigands de la mer. Pendant plus de cinq
ans, les vaillants guerriers de l’Armorique combattirent Rollon et
ses soldats. On se défendait dans les villes, dans les villages,
dans les châteaux et jusque dans les chaumières les plus pauvres et
les plus isolées. Après une guerre de cinq ans où le pillage et
l’incendie ne purent que décimer les Bretons et non les réduire à
la loi de l’ennemi, Rollon, qui ne régnait que sur des cadavres et
des terres désertes, laissa reposer les Bretons, se contentant de
députer chaque année des hérauts à Rennes et à Vannes, pour
rappeler qu’on lui devait hommage et obéissance, et menacer de tous
les effets de sa colère.
Rollon étant mort avant de pouvoir rentrer en
Bretagne, son fils et successeur Guillaume Longue-Épée se chargea
de réaliser les redoutables menaces de son père contre les Bretons.
Mais, las d’une course sans but et sans gloire, il rentrait en
Neustrie, quand son arrière-garde fut vivement attaquée, défaite et
poursuivie jusqu’à Bayeux. Dans cette expédition inattendue, les
Bretons étaient commandés par un comte de Dol et un comte de Rennes
nommé Bérenger. Guillaume revint à la charge, obligea le comte de
Dol à quitter la Bretagne, et reçut Bérenger à composition.
Cependant l’espoir commençait à renaître dans
le cœur des Bretons. Bérenger n’avait pas survécu à sa
défaite ; mais il laissait en son fils un vengeur, qui
communiqua à ses compatriotes l’ardeur dont il était animé. Les
Normands une fois vaincus, et cessant d’être réputés invincibles,
bientôt le sol de la Bretagne fut purgé de ce peuple si longtemps
redouté de nos pères. Le secours ne tarda pas à arriver aux
Bretons ; il leur vint de la Grande-Bretagne. Le comte de
Poher, Mathuedoé, avait, en mourant, confié son fils Alain à
l’amitié d’Athelstane, roi d’Angleterre, qui tint le jeune prince
sur les fonts du baptême, surveilla son éducation, et le fit
instruire au métier des armes. Quand Alain eut atteint l’âge de
vingt ans, il s’entoura de tous les fugitifs, obtint de son parrain
quelques vaisseaux, recueillit des volontaires et vint débarquer
sur le rivage de Dol. Les Normands furent surpris par le vaillant
jeune homme au milieu des fêtes et des banquets : Alain les
tailla en pièces, et ses troupes massacrèrent tous ceux qu’elles
purent atteindre. La victoire ne l’abandonna pas un seul instant.
Le bruit de ses exploits se répandit en Bretagne avec
rapidité ; alors tous les gens de guerre, tous les hommes en
état de porter les armes et qui gémissaient sous une cruelle
oppression, accoururent sous ses drapeaux, et, pleins d’espérance,
le proclamèrent duc et légitime successeur d’Alain le Grand.
Alain chassa successivement les ennemis de son
pays de tous les postes qu’ils occupaient, et convoqua ensuite une
assemblée générale, après avoir mandé près de sa personne les
députés des villes et des communes, les seigneurs
terriens,
les évêques et le clergé. Des mesures utiles
rendirent les paysans au travail et à la
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