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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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d’une matière informe, a tout créé d’abord pour les hommes », confondant ainsi la philanthropie du Dieu des Juifs et la bonté du démiurge platonicien [704].
    Le thème du Platon chrétien apparaît ainsi dans l’histoire ; il est fort précisé par l’ Exhortation aux Grecs , ouvrage qui, attribué d’abord à Justin, lui est en réalité postérieur de près d’un siècle : l’auteur, beaucoup mieux informé que Justin, ne cache pas les contradictions de Platon soit avec Aristote, soit avec lui-même sur les objets les plus importants : l’éternité du monde, l’immortalité des âmes, le monothéisme, etc... Pourtant Platon a eu, selon lui, une opinion exacte sur le Dieu qui est réellement ; l’ être chez lui est celui qui est de Moïse ; il faut seulement savoir le lire : si l’on trouve chez lui des restrictions au monothéisme, s’il admet une matière non engendrée et des dieux engendrés, c’est qu’il craignait, en donnant sa pensée telle quelle, de se faire accuser comme Socrate : de là son exposé entortillé sur les dieux [705].
    Le Platon chrétien, que l’on trouve en lisant le Timée à la lumière de la Genèse , se retrouve chez Tatien, l’élève de Justin ; mais contrairement à son martre, il n’admet aucune connaissance de Dieu par la raison, et il est conduit à expliquer la ressemblance de Platon et des Stoïciens avec Moïse par un p.500 plagiat inavoué des Grecs. D’une manière générale, le rationalisme de Justin paraît subir un recul chez Tatien : c’est ainsi que l’esprit, le pneuma qui reçoit la révélation n’existe que chez les purs et qu’il n’est pas une partie de l’âme, simple matière pénétrante et subtile qui ne se distingue de l’âme des bêtes que par la parole articulée, mais qu’il lui est superposé [706].
    Tout au contraire, le rationalisme de Justin se retrouve accru chez Athénagore ; le monothéisme qu’il trouve chez les poètes, chez les Pythagoriciens, chez Platon indique selon lui une inspiration divine commune à Moïse et aux philosophes ; Platon parvient même à concevoir la trinité. Il reste cependant que Platon, qu’il connaît d’ailleurs beaucoup mieux que Justin, est un Platon chrétien, que le Bien ou l’être immuable par lequel il dépeint Dieu, n’a que le nom en commun avec la première hypostase plotinienne et ressemble beaucoup plus au Dieu des Stoïciens ; si l’on songe avec quelle vigueur le néoplatonisme païen exclut la religiosité stoïcienne, on appréciera mieux la portée de ce platonisme chrétien, où se retrouve toute la théologie des Stoïciens, avec les arguments (mis en forme syllogistique) fondés sur la providence et la beauté du monde.
     
    IV. — LE GNOSTICISME ET LE MANICHÉISME
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    A l’époque même des apologistes se développaient dans les milieux chrétiens les systèmes dits gnostiques, qui nous sont surtout connus par les réfutations qu’en ont faites les Pères de l’Église de la génération suivante, en particulier l’auteur inconnu des Philosophumena , Irénée dans son Contre les Hérétiques , Tertullien dans le Contre Marcion , sans oublier la Pistis Sophia , écrit gnostique en langue copte datant du III e siècle, mais traduisant des écrits grecs plus anciens.
    p.501 D’après une thèse des Philosophumena , généralement acceptée jusqu’à nos jours, les systèmes gnostiques résulteraient d’une sorte d’invasion de la philosophie grecque dans la pensée chrétienne, et les sectes grecques seraient finalement responsables de ces hérésies chrétiennes qui auraient donc, comme aboutissant de la pensée grecque, un intérêt direct pour l’histoire de la philosophie. Les travaux contemporains qui ont su dégager la pensée gnostique véritable des exposés plus ou moins fantaisistes où la cachent les Pères de l’Église laissent au contraire l’impression que la philosophie grecque est en elle pour bien peu de chose. Ces systèmes n’en gardent pas moins un intérêt du premier ordre, parce qu’ils donnent, nous allons le voir, comme la contre-épreuve d’une vérité qui se dégage, croyons-nous, de tout notre exposé de la philosophie grecque : l’hellénisme est caractérisé par l’éternité de l’ordre qu’il admet dans les choses ; un principe éternel d’où découlent éternellement les mêmes conséquences. Or le thème commun des systèmes gnostiques, c’est la rédemption ou délivrance du mal qui

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