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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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savons, croit être fidèle au Timée en distinguant d’une part les quatre éléments sensibles qui se mélangent entre eux dans le réceptacle matériel (celui que p.578 Platon appelle nécessité, mensonge, nourrice, mère) pour produire les divers corps, et d’autre part les Idées des quatre éléments, substances pures formées de la matière intelligible qui se trouvent, avec les exemplaires, auprès de Dieu. Il refuse donc de voir autre chose que fluence dans le monde sensible, et ne trouve de fixité que dans la réalité divine [782]. La physique, dit-il ailleurs, ne s’occupe que des formes engagées dans la matière et dans cet état d’engagement : elle doit donc se référer toujours au monde intelligible. Guillaume semble avoir eu au contraire l’idée d’une physique autonome : par exemple, après avoir montré que le firmament ne saurait être fait d’eau congelée, il ajoute : « Mais je sais ce qu’on dira ; nous ignorons ce qu’il en est, et nous savons que Dieu peut le faire. — Malheureux ! Qu’y a-t-il de plus misérable que ces paroles ? Dieu peut-il faire une chose sans voir comment elle est, ni avoir de raison pour qu’elle soit ainsi, ni en manifester l’utilité ? » Aussi Guillaume n’hésite pas à chercher une explication proprement « naturelle » de l’origine des êtres et, en ce qui concerne celle de l’homme et des animaux, à revenir aux spéculations de Lucrèce : c’est à l’opération de la nature ( natura operans ) qu’il faut attribuer la formation des êtres vivants [783]. A ceux qui lui opposent qu’une telle conception déroge à la puissance divine, il répond que, tout au contraire, elle la fait éclater, puisque c’est cette puissance « qui a donné aux choses une telle nature et qui ainsi, par l’intermédiaire de la nature opérante, a créé le corps humain » ; ces critiques viennent d’hommes qui « ignorent les forces de la nature », tandis que « moi, j’affirme qu’il faut en tout chercher la raison, mais si elle nous manque, nous confier au saint Esprit et à la foi ». Il n’hésite d’ailleurs pas à reconnaître, en suivant peut-être ici l’inspiration de Lucrèce et du Timée (cf. p. 139) que, en ces matières, on ne peut atteindre que le probable. Ce naturalisme mélange d’une p.579 façon un peu confuse des thèmes d’origines platonicienne, épicurienne (et, même stoïcienne puisque Guillaume définit l’âme du monde « cette force naturelle ( vigorem naturalem ) insérée par Dieu dans les choses et par laquelle certaines vivent, d’autres vivent et sentent, d’autres vivent, sentent et raisonnent »).
     
    V. — LE MYSTICISME DES VICTORINS
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    A côté des graves sententiaires qui codifient le christianisme, des chartrains qui rénovent le platonisme, se dessine, lié à une réforme profonde des ordres monastiques, un important mouvement mystique, dont les plus grands représentants sont saint Bernard (1091-1153) et Hugues de Saint-Victor (1096-1141). L’idéal monastique, celui du status religiosus , est une vie de renoncement, où l’on obéit à une règle commune pour parvenir à la perfection, grâce à la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. L’histoire des ordres monastiques nous montre une continuelle alternance entre l’oubli des règles primitives, qui aboutit à faire pénétrer la vie mondaine dans les cloîtres et les réformes qui imposent à nouveau la règle. Le XI e siècle est dominé par la réforme de l’abbaye de Cluny ; mais l’esprit monastique s’y affaiblit de nouveau, et il se réveille, au XII e siècle, avec la réforme de Cîteaux, tandis que Bruno de Cologne fonde l’ordre des Chartreux. Le moine cistercien est un « composé de paysan, d’artisan et d’ascète ». La vie spirituelle ne consistera donc pour lui que dans une méditation spirituelle des vérités fondamentales du christianisme, grâce à laquelle il y pliera de mieux en mieux son intelligence et sa volonté.
    C’est de cette méditation, où l’entraînement imaginatif abolit presque entièrement la réflexion critique, que naît le mysticisme monastique du XII e siècle. Le type en est le traité De diligendo Deo  [784] du célèbre saint Bernard, d’origine cistercienne et abbé de Clairvaux, le prédicateur de la deuxième croisade p.580 (1146), le conseiller du pape Eugène III, son ancien religieux, à qui il adresse un traité De Consideratione sur les maux de

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