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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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des Chartrains, garde beaucoup de leur esprit, nous représente la nature comme une jeune vierge portant une couronne ornée de pierres qui symbolise les planètes et vêtue d’un manteau où est brodée toute la variété des êtres : ce clerc du XII e siècle retrouve ainsi la vieille image que Phérécyde de Syros, au VI e siècle avant J.-C., empruntait peut-être aux Babyloniens. Et à cette représentation de la nature est liée celle de l’homme microcosme, formé des mêmes parties que la nature, à laquelle n’est sans doute pas étranger le traité de Némésius, De la nature de l’homme , traduit déjà par Alfanus en 1058 ; mais Alain de Lille use surtout des p.576 images du Timée  ; la raison est dans l’homme comme le mouvement de la sphère des étoiles fixes, et la sensibilité avec ses variétés, comme celui des sphères obliques des planètes ; l’âme est encore comme une cité divine, où la raison, dans la tête, correspond à Dieu et au ciel, l’ardeur dans le cœur, aux anges et à l’air, la partie inférieure dans les reins, à l’homme et à la terre. Ainsi domine l’image d’une vie universelle dont toutes les parties se correspondent par des affinités secrètes [778].
    Un clerc orthodoxe comme Alain ne peut certes diviniser la nature, et il la soumet à Dieu : mais la manière dont il conçoit les rapports de Dieu à la nature est empruntée à la Théologie de Proclus, qu’il connaît par le livre des Causes , traduit de l’arabe vers le milieu du siècle, et cité ailleurs par lui sous le nom d’ Aphorismes sur l’essence du souverain Bien  [779] ; lorsqu’il fait dire à la nature : « L’opération de Dieu est simple et la mienne est multiple », on ne peut que se rappeler les théories platoniciennes qui ne voient entre les divers niveaux de la réalité que la différence d’une unité enveloppée à une unité développée.
     
    IV. GUILLAUME DE CONCHES
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    C’est la conception même de la philosophie qui tend à se transformer dans les milieux chartrains ; nous en avons un témoignage dans l’œuvre de Guillaume de Conches (1080-1145), un élève de Bernard de Chartres. Ce qui la caractérise, c’est la distinction radicale qu’il fait entre le trivium et le quadrivium, le trivium (grammaire, dialectique, rhétorique) n’étant qu’une étude préliminaire à la philosophie, tandis que le quadrivium (mathématiques et astronomie) est la première partie de la philosophie dont la seconde est la théologie. L’opposition des sept arts à la théologie tend à faire place à une p.577 opposition des belles-lettres (eloquentia ou trivium) à l’étude scientifique et philosophique de la nature [780] : ce qui correspond bien d’ailleurs à la situation de fait que dépeint Guillaume, d’après qui beaucoup de maîtres voudraient borner l’enseignegnement à l’éloquence (Préface).
    C’est une image nouvelle de la nature qui se dessine : Guillaume essaye d’introduire la physique corpusculaire de Constantin l’Africain. « Constantin, traitant en physicien des natures des corps a appelé éléments, au sens de premiers principes, les parties simples et les plus petites de ces corps ; tandis que les philosophes, traitant de la création du monde et non des natures des corps particuliers, ont parlé de leurs quatre éléments qui sont visibles. » Mais, l’image ordinaire des quatre éléments est bonne pour « ceux qui, comme des paysans, ignorent l’existence de tout ce qui ne peut être saisi par les sens » [781]. Voici donc que l’intelligence réclame timidement son rôle non plus seulement pour connaître les choses divines, mais pour déterminer la substance de la réalité sensible : on oppose les atomes invisibles aux éléments visibles, le mélange mécanique à la transmutation. Guillaume trouva devant lui beaucoup de résistance et en particulier dans le milieu chartrain même.
    L’histoire de cette polémique est aisée à reconstituer si l’on compare la Philosophia de Guillaume (p. 49-55) et le fragment de son commentaire du Timée avec les idées que soutenait Gilbert de la Porrée (mort en 1154), lui aussi élève de Bernard de Chartres et longtemps chancelier de Chartres. Guillaume fait en effet allusion à ceux qui, pour le combattre, s’appuyaient sur un fameux passage du Timée (43 a) qui, à cause de la fluidité du sensible, niait que les éléments fussent des substances stables. Or Gilbert, nous le

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